bioMérieux en première ligne dans la lutte contre les superbactéries

C'est dans des congélateurs que vit la matière première de bioMérieux: des dizaines de milliers de souches infectieuses, dont le groupe se sert pour développer ses instruments de diagnostic in vitro, notamment face aux bactéries résistantes aux antibiotiques, en pleine expansion.

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Le site de bioMérieux à Marcy l'Etoile, le 26 octobre.

Quelque 55.000 variétés de bactéries, champignons et parasites sont conservées par moins 80 degrés dans des "cryotubes" dans la principale souchothèque de bioMérieux, sur son site de La Balme-les-Grottes (Isère). Démarrée dans les années 1970 et modernisée en 2014, c'est l'une des plus grandes collections privées du genre au monde, qui monte à 86.000 souches en comptant ses installations décentralisées. bioMérieux scrute constamment l'apparition de nouvelles mutations pour mettre à jour ses outils. Chaque année, sa souchothèque s'enrichit de plus de 2.000 nouveaux spécimens, recueillis dans les quatre coins du monde.

Une bactérie "n'est pas forcément méchante au départ", mais elle est "sournoise, car elle mute", rappelle Géraldine Durand, chercheuse de bioMérieux à La Balme. "Si elle s'équipe de gènes de résistance (aux antibiotiques, NDLR) et de toxines, elle peut devenir une véritable tueuse". Parmi les dernières arrivées à La Balme figurent plusieurs souches de staphylococcus epidermidis, provenant d'hôpitaux australiens. Un pathogène connu, mais qui réémerge sous des formes multirésistantes, capables de causer des infections quasi incurables chez des personnes âgées ou affaiblies. "Je vais les tester pour voir si nos produits sont capables de les détecter. Et dans nos prochains développements nous intégrerons aussi ces souches", explique Mme Durand.

"Priorité stratégique N°1"

La surconsommation mondiale d'antibiotiques depuis le milieu du XXe siècle, tant en médecine humaine que vétérinaire, a eu pour effet pervers de perfectionner les stratégies des micro-organismes pour leur résister. Ce phénomène, l'antibiorésistance, tue déjà 50.000 patients chaque année aux États-Unis et en Europe et pourrait causer 10 millions de morts par an dans le monde en 2050, soit davantage que le cancer, selon une étude britannique de référence publiée en 2016.

"L'antibiorésistance est notre priorité stratégique n°1" déclare Mark Miller, directeur médical de bioMérieux, rencontré au campus du groupe à Marcy-l'Étoile, près de Lyon. "75% à 80%" des outils de diagnostic du groupe s'attaquent de près ou de loin au phénomène, selon lui. Fondé en 1963, bioMérieux, qui a réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 2,3 milliards d'euros (+8,8%), a longtemps prêché dans le désert en affirmant que le diagnostic était la clé face à cet enjeu majeur de santé publique. Car le développement d'antibiotiques innovants piétine, faute d'une rentabilité suffisante: les prix de ces médicaments sont très bas et leur usage de plus en plus restreint par les autorités sanitaires, pour tenter de limiter l'émergence de nouvelles résistances.

Les grands laboratoires pharmaceutiques tendent ainsi à se détourner du secteur. Comme dernièrement le géant suisse Novartis, qui a abandonné cet été ses programmes de recherche antibactériens et antiviraux. Même Sanofi Pasteur, le "demi-frère" de bioMérieux - les deux sociétés ont pour ancêtre commun l'Institut Mérieux, fondé au tournant du 20e siècle à Lyon par Marcel Mérieux, élève de Louis Pasteur - s'est partiellement désengagé cette année en sous-traitant sa recherche-développement dans les maladies infectieuses, hors vaccins.

Espoir des nouvelles technologies

Dans un tel contexte "il faut être créatif" pour trouver des alternatives aux antibiotiques, en misant notamment sur le diagnostic, plaide M. Miller. "Le diagnostic permet de faire un portrait (de l'antibiorésistance, NDLR) pour guider les instances de santé publique. Sans diagnostic, pas de surveillance, sans surveillance, pas de données. Et sans données, vous ne savez pas ce que vous faites", résume-t-il. Car mettre un nom le plus rapidement possible sur une infection augmente les chances de traiter efficacement le patient, au moyen d'une thérapie ciblée. Et savoir quelle est la prévalence d'une infection dans une zone donnée permet d'adapter la prévention.

Les nouvelles technologies donnent de l'espoir, en accélérant les résultats de certains tests: c'est le cas notamment de BioFire FilmArray, la gamme de biologie moléculaire de bioMérieux, qui permet de détecter rapidement par ADN la présence d'agents infectieux spécifiques ou de gènes de résistance aux antibiotiques. Quid de l'intelligence artificielle? bioMérieux dit explorer son potentiel pour l'infectiologie et la lutte contre l'antibiorésistance. Mais le groupe reste prudent, expliquant qu'il est "encore trop tôt" pour savoir comment cela pourrait être exploité et s'avérer utile aux cliniciens.


AFP/VNA/CVN

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