Aux États-Unis, la chaleur extrême met en péril la vie des travailleurs et l'économie

Irma Gomez, ouvrière agricole en Californie depuis près d'une décennie, a vu cette année une collègue s'effondrer sous ses yeux dans un champ et mourir à cause de la chaleur.

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Graphique sur les symptômes les plus courants et les effets sur la santé causés par la chaleur extrême
Photo : AFP/VNA/CVN

"Ça fait peur. Cela pourrait arriver à n'importe lequel d'entre nous", déplore Mme Gomez, qui en cette journée d'automne porte un masque contre les fumées des incendies de forêt qui couvrent le ciel d'un brouillard ocre. Travailler sous une chaleur accablante ralentit les mouvements, provoque fatigue, confusion et évanouissements, et, dans les cas les plus graves, une augmentation de la température corporelle qui peut se révéler mortelle.

"On estime que, rien qu'en Californie, les températures élevées peuvent être responsables de milliers d'accidents du travail chaque année", alerte l'économiste Jisung Park de l'université de Californie. La hausse des températures menace la vie des travailleurs aux États-Unis, mais aussi leur santé économique. "Cette année il y a eu moins de travail à cause de la chaleur", raconte Irma Gomez, 37 ans.

Ne pouvant effectuer des journées de huit heures cet été, elle a gagné 1.700 USD par mois, soit 700 USD de moins que l'année dernière à la même période. Cette différence équivaut pour elle à un mois de loyer. "Dans beaucoup de secteurs comme l'agriculture, les employés sont payés à l'heure ou à la tâche", explique Kristina Dahl, coauteure d'une étude de l'ONG Union of Concerned Scientists. "Si ces travailleurs prennent des pauses et ne sont pas rétribués à ces moments-là, cela a des conséquences sur leur situation économique".

Productivité en baisse

Les conséquences sur l'économie sont aussi réelles, selon deux études récentes. Le pays perd déjà 100 milliards de dollars par an en raison de la baisse de la productivité liée à la chaleur, et sans mesure pour freiner le réchauffement climatique, ces pertes pourraient atteindre 500 milliards d’USD en 2050, d'après un rapport du Centre de résilience de la Fondation Adrienne Arsht-Rockefeller publié fin août.

"Quand quelqu'un est plus lent et a besoin de boire des boissons rafraîchissantes et de se mettre à l'ombre, il produit moins", résume Kathy Baughman McLeod, directrice du centre. Alors que l'été dernier le pays a enregistré des records de chaleur dans certaines régions, la situation devrait continuer à empirer, prévient Union of Concerned Scientists.

Trois millions de travailleurs américains connaissent chaque année au moins une semaine de travail avec des températures supérieures à 37,7°C, qui les mettent en danger. Si les tendances météorologiques actuelles se poursuivent d'ici le milieu du siècle, quelque 18,4 millions de personnes travailleront plus d'une semaine dans ces conditions de chaleur extrême, nécessitant davantage de pauses pour préserver leur santé.

Nombre de personnes vulnérables et exposées au changement climatique dans le monde en fonction de l'augmentation des températures.
Photo : AFP/VNA/CVN

"Tout le monde, indépendamment du poste qu'il occupe, va sentir les effets de cette baisse de productivité", souligne Kristina Dahl. Ces personnes "plantent et récoltent notre nourriture, livrent nos colis, veillent à l'entretien de nos bâtiments, routes et ponts", note-t-elle.

Eau, ombre, repos

Les deux études s'accordent à dire que la priorité est la réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique. Mais, en attendant que cet objectif soit atteint, ils préconisent de prendre soin des travailleurs. "En résumé il faut leur donner trois choses : de l'eau, de l'ombre et du repos", indique Kristina Dahl.

"La chaleur tue davantage d'Américains que n'importe quel autre phénomène climatique", soutient de son côté Kathy Baughman McLeod. Les deux expertes plaident pour une loi fédérale qui mette en place, en plus de mesures de protection, des pauses rémunérées. "L'objectif est que les travailleurs ne soient pas obligés de choisir entre leur santé et leur salaire", détaille Mme Dahl. En septembre, la Maison Blanche a annoncé étudier un projet de loi pour protéger les travailleurs, mais le processus législatif prend du temps.

La Californie, le Minnesota et Washington sont les seuls États avec des normes à ce sujet. Les jours de forte chaleur, les entreprises ont l'obligation de proposer de l'eau et de l'ombre à leurs employés. En cas de températures extrêmes, ils doivent cesser complètement le travail. Dans le monde agricole, une alternative consiste à faire travailler les employés la nuit ou à l'aube. Mais cela implique d'autres défis.

Irma Gomez, par exemple, perd des journées de travail quand elle ne parvient pas à trouver quelqu'un pour garder sa fille aux premières lueurs du jour. Elle se sent aujourd'hui soulagée d'avoir laissé derrière elle les températures estivales, mais craint pour son avenir. "C'est inquiétant, nous ne savons pas comment sera l'année prochaine".


AFP/VNA/CVN

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