Au passé retrouvé dans la rue des antiquaires à Hô Chi Minh- Ville

La rue Lê Công Kiêu (quartier Nguyên Thai Binh, 1er arrondissement, Hô Chi Minh-Ville) ne s’étend que sur 400 m environ, mais compte une enfilade de magasins d’antiquités, qui sont ici une cinquantaine. On dit que cette rue est la «gardienne des souvenirs des Saïgonnais».

À 200 m du grand marché de Bên Thành, au coeur de la mégapole du Sud (1er arrondissement) et de ses axes trépidants, la rue Lê Công Kiêu se démarque par la relative quiétude qui y règne. Les deux rangées de maisons construites vers les années 1920 qui bordent la rue -à l’architecture de l’époque avec un rez-de-chaussée, un étage et une toiture recouverte de tuiles- ne sont certainement pas étrangères à cette sensation d’oasis de calme au milieu du bourdonnement incessant de la capitale économique du Vietnam. On dit que la rue Lê Công Kiêu est «la plus représentative du Saigon de l’avant 1975».

La rue Lê Công Kiêu accueille aujourd’hui les collectionneurs d’antiquité, des touristes étrangers...


Les commerces qui fleurissent dans cette rue sont à l’image des lieux, puisque l’on y vend exclusivement des antiquités. Les chineurs peuvent y trouver des objets centenaires ou plus âgés encore. Meubles, horloges, ventilateurs, appareils photo, phonographes, machine à écrire, photos, vaisselle, céramiques, statues, vases... Mais gare aux reproductions, qui sont ici légion ! De l’aveu même des antiquaires, les vraies antiquités ne représentent que 10-15% des marchandises exposées, le reste étant des reproductions fournies par le village de céramique de Bat Tràng (Nord du Vietnam) ou le Jiangxi (Chine), les établissements de fabrication d’objets en pierre de Binh Dinh ou de Dà Nang (Centre du Vietnam), les ateliers de menuiserie de la rue Công Hoà à Hô Chi Minh-Ville et de Long An (delta du Mékong)...
Les antiquités vietnamiennes, bien que majoritaires, sont entourées de «consœurs» venues d’Inde, du Népal, de Malaisie, de France, d’Italie, de Thaïlande, etc. Le prix des antiquités est fonction de leur rareté, de leur âge, mais aussi des connaissances de l’acheteur, voire de son estime vis-à-vis de l’objet. Le prix des reproductions est quant à lui fixé, donc pas besoin de savoir «flairer l’arnaque» !
Une rue chargée d’histoire
Autrefois, la rue Lê Công Kiêu était une étroite ruelle. Vers 1920, l’administration coloniale l’a fait élargir et baptisée «Rue de Reims». En 1955, le gouvernement de Sai Gon l’a renommé Lê Công Kiêu, du nom d’un soldat du mouvement Cân Vuong (soutien au roi), mouvement des patriotes qui suivèrent leur roi dans sa lutte contre les colonialistes français (fin du XIXe siècle).

Les chineurs peuvent y trouver des objets centenaires ou plus âgés encore.
Photo : Minh Thu/CVN


Ceux qui ont le plus contribué à son histoire et à son cachet appartiennent sans conteste à la communauté Chà Và (nom que les Saïgonnais ont donné à ceux qui venaient de l’île de Java - Indonésie). Les Chà Và se sont installés ici vers le XIe siècle, bien avant l’apparition des noms de Sài Gon, de Reims ou encore de Lê Công Kiêu. À la fin des années 1970, alors que les Français et les Américains se retiraient du Vietnam, nombre de ces Chà Và les ont suivis. Leurs maisons et mobiliers ont ainsi été vendus aux nouveaux résidents de la rue, qui venaient du Nord.
Plus tard, au moment où la vie s’apparentait à un long chemin de croix (économiquement parlant), les gens se sont mis à rassembler les objets de ces maisons pour les vendre, avec de tout et n’importe quoi : meubles, céramique chinoise et japonaise, livres anciens, magazines, ventilateurs, objets en cristal... La rue Lê Công Kiêu avait alors un air vétuste et poussiéreux.
La rue a retrouvé des couleurs au milieu des années 1990, avec l’essor du tourisme. Elle accueille aujourd’hui les collectionneurs d’antiquité, des touristes étrangers... dont des célébrités comme Hillary Clinton, l’épouse de l’ancien président américain Bill Clinton, qui s’y est rendue en 2000 lors d’une visite à Hô Chi Minh-Ville. La plupart des visiteurs y viennent pour flâner, contempler les objets et discuter avec les marchands et autres connaisseurs d’antiquités. Pour les antiquaires, leur métier est bien plus qu’un gagne-pain : c’est aussi le meilleur moyen de partager des connaissances avec les autres.

Minh Thu/CVN

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