Vinh Phuc
Au bonheur des ours

Près de 200 ours vivent en toute tranquillité dans une petite vallée au pied du massif de Tam Dao. Un refuge pour ces bêtes sinistrées, confiées aux soins de parents de cœur vietnamiens comme étrangers.

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Des cadres du Centre de sauvetage des ours du Vietnam soignent des oursons.
Photo : TT/CVN
Photo : TT/CVN

Chaque jour, quand le soleil pointe son nez sur les montagnes de Tam Dao, le Centre de sauvetage des ours du Vietnam (CSO-VN) s’éveille. À peine les portes des enclos s’ouvrent-elles que les ours se précipitent vers un "terrain de jeux" aménagé à leur intention. Un spectacle qui fait chaud au cœur...

Implanté dans la vallée de Chat Dâu, au sein du Parc national de Tam Dao, province de Vinh Phuc (Nord), le CSO-VN est le plus moderne d’Asie. Construit en 2005 avec le concours de l’Animal Asia Foundation (AAF), il a pour objectif de sauver les ours victimes du braconnage et du trafic, de la bile notamment. L’AAF est une organisation basée à Hong Kong (Chine) qui œuvre à l’éradication de la cruauté envers les animaux en Asie.

Victimes du braconnage et de maltraitance

Au CSO-VN, les pensionnaires, maintenant au nombre de 178, y vivent dans de vastes enclos. Ils sont à la charge d’un contingent spécialisé fort de 76 experts vétérinaires (dont la plupart sont étrangers), infirmières et nourrices. "Ces ours ont tous un passé terrible", partage le Docteur Tuân Bedixsen, Viêt kiêu d’Australie et directeur d’AAF au Vietnam.

Montrant du doigt deux ours se chamaillant sur un terrain gazonné, Tuân raconte : "Voici Brady et Lintron. Alors qu’ils n’étaient encore que des bébés, des garde-frontières les ont trouvés complètement paniqués en 2011 à la frontière avec le Laos. Apparemment, leur mère venait d’être abattue par des braconniers sous leurs yeux". Informé, un groupe de secours du centre s’est rendu sur place. Les oursons ont été amenés en voiture à l’aéroport de Huê (Centre), puis acheminés à Hanoï par avion.

"Le trajet vers Huê a duré 16 heures. Autant dire toute une nuit sans dormir. Nous leur avons donné du lait toutes les deux heures". Les premiers temps, comme les autres nouveaux venus, les deux oursons ont bénéficié de soins particuliers et d’un régime alimentaire nourrissant. "Très turbulents, Brady et Lintron grandissent à vue d’œil. Ils s’adaptent et s’habituent très bien à la vie ici", explique Tuân.

Mais, la plupart des pensionnaires animaux ont été arrachés des griffes des trafiquants de bile. C’est par exemple le cas de Zebedee. "Nous sommes entrés dans une salle où se trouvaient des cages minuscules. Un lieu si sombre que nous pouvions à peine voir Zebedee qui était enfermé là depuis 14 ans... Aveugle et édenté, il souffrait d’une inflammation de la vésicule biliaire", se souvient Anne Marie, les larmes aux yeux.

Victime d’une maltraitance prolongée, Zebedee était très agressif au début, prêt à attaquer toute personne qui l’approchait. Et puis, "jour après jour, l’affection, la dévotion et les soins patients des employés du centre ont réussi à l’adoucir. Un an après, Zebedee pesait 150 kg, contre 30 kg à son arrivée".

Le cas de Vandrew ne pâlit pas en comparaison. Ce jeune ours a été sauvé en 2010 d’une ferme à Quang Ninh (Nord). Lui aussi était en piteux état : blessures partout sur le corps, patte nécrosée, œil crevé... "Après les soins particuliers prodigués par les agents vétérinaires, les blessures de Vandrew ont pu guérir. Mais il est désormais amputé d’une patte. Santé psychologique mise à part, il s’est plutôt bien rétabli…". 

Soins médicaux et baume au cœur

Le Centre de sauvetage des ours du Vietnam, un refuge pour des victimes du braconnage et du trafic.

Travaillant depuis une dizaine d’années au CSO-VN, Anne Marie se trouve intimement attachée à ces grosses bêtes. "À leur arrivée ici, les ours étaient souvent dans un état de santé critique, tant physique que psychologique. Ayant tous subi un traumatisme plus ou moins grave, certains se recroquevillaient et paniquaient pendant que d’autres se montraient agressifs... Notre tâche est donc double : guérir leurs blessures corporelles mais aussi, adoucir leur douleur mentale", confie-t-elle. Cela demande aux agents du CSO-VN non seulement une expérience professionnelle adéquate mais aussi et surtout, une affection infinie pour ces animaux.

Au centre de sauvetage, les ours bénéficient d’enclos confortables agrémentés  de jeux et de bassins. Ils ont droit à un régime alimentaire spécial composé de fruits et légumes frais. Sans oublier une clinique pour des soins médicaux périodiques. "Nous soignons les ours de manière humaine. Vraiment, ils sont comme des enfants en quête d’affection", affirme Hoàng Thi Quyên, vétérinaire. Travaillant ici depuis neuf ans, elle comprend et connaît le caractère distinctif de chacun d’entre eux. Enthousiasmée, elle raconte : "Ils ont chacun un nom, il y a Olly, Rose, Dolly, Coco, Maussi, Moggy, Bubu, Nelson, Easy… Chacun reconnaît son nom. À tel point que lors des examens, ils ne s’autorisent à entrer dans la salle de consultation uniquement quand leur nom est prononcé".

Avec ses douze ans d’ancienneté, Dào Châu Tuân exprime son attachement particulier envers ces bêtes au travers de jeux et activités qu’il cherche à créer et recréer sans arrêt. "C’est en s’amusant qu’ils peuvent oublier les maux du passé", explique-t-il. C’est lui qui s’est rendu, il y a dix ans, dans la forêt de Lai Châu (Nord) pour sauver trois oursons dont la mère venait d’être tuée. "Nous avons dû les soigner attentivement 24 heures sur 24 pendant de longues semaines. Maintenant, ils pèsent déjà chacun 200 kilos", raconte-t-il, satisfait.

Le CSO-VN couvre actuellement 12 ha. "Nous avons l’ambition de l’élargir dans l’avenir, afin de pouvoir accueillir davantage de bêtes en péril", révèle le directeur d’AAF au Vietnam. Confiant en l’avenir et sourire aux lèvres, il informe que plusieurs naissances d’oursons ont eu lieu ces derniers temps.

Nghia Dàn /CVN

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