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Recherche des victimes d'un séisme en Haïti, le 17 août. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Si la reprise des cours, initialement prévue le lundi 6 septembre, a été repoussée au 21 septembre pour la majorité des élèves, les cours ne reprendront que le 4 octobre dans les trois départements du Sud d'Haïti, ravagés par le tremblement de terre de magnitude 7,2, qui a tué plus de 2.200 personnes.
L'annonce de ce nouveau calendrier a lancé un compte à rebours tendu pour les acteurs humanitaires qui viennent en aide aux sinistrés dans la péninsule sud, où des dizaines de milliers de bâtiments se sont effondrés, dont un nombre encore indéterminé mais conséquent d'établissements scolaires.
Écoles détruites
"Sur 2.800 écoles dans les trois départements affectés, 955 ont déjà été évaluées par le ministère avec l'appui de l’UNICEF et les premiers résultats montrent que 15% de ces écoles sont totalement détruites et 60% endommagées", a indiqué Bruno Maes, directeur de l’UNICEF en Haïti. "Ça va être une véritable course contre la montre car c’est très peu de semaines pour mettre en place, dans ces trois départements, des abris d'apprentissage protecteurs et sécurisés pour les enfants afin qu’ils ne perdent pas une nouvelle année scolaire", s'inquiète M. Maes.
Après une année scolaire 2019-2020 qui s'est achevée en mars en raison de la pandémie de COVID, l'apprentissage d'une majorité d'élèves haïtiens a été également perturbé l'année suivante par l'insécurité causée par la mainmise grandissante des gangs sur le territoire national. En fin d'année 2020 et début d'année 2021, les bandes armées ont commis quantité d'enlèvements contre rançon, kidnappant à plusieurs occasions des enfants ou des enseignants à proximité d'écoles de la capitale.
À 150 km de Port-au-Prince, cette criminalité avait relativement épargné Camp-Perrin mais, au cœur de la région affectée par le séisme du 14 août, accueillir les enfants de familles qui ont tout perdu constitue un casse-tête pour les écoles privées, qui constituent 80% de l'offre scolaire en Haïti.
Des pupitres d'écoliers recouverts de gravats dans une école de Camp-Perrin, en Haïti, le 24 août. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"Promesses encore non concrétisées"
"On a déjà des élèves qui n’avaient pas payé l'année 2017-2018" confesse Maxime Eugène, professeur au collège-lycée Mazenod. "On ne peut pas les renvoyer chez eux, leur faire perdre une année scolaire pour une question d’argent", souligne le professeur du collège-lycée Mazenod. Pas une salle de classe de cet établissement catholique de référence n'a résisté à la secousse sismique. Les militaires haïtiens ont déjà déblayé les décombres mais l'aide pour préparer la rentrée du millier d'élèves se fait encore attendre.
"On a des promesses mais elles ne sont pas encore concrétisées", constate l'enseignant. "Si on reçoit des tentes à temps, on pourra être prêts pour le 4 octobre car nous avons pu sauver les meubles", affirme Maxime Eugène, optimiste malgré la perspective de travailler sur le terrain de foot de l'école. Davantage enclavée dans la chaîne de montagne qui traverse la péninsule Sud d'Haïti, la commune de L'Asile compte parmi les plus ravagées par le séisme et le désespoir a gagné les habitants.
"Le bâtiment peut être prêt mais moi personnellement, je ne vois pas comment je vais reprendre", souffle Brénus Saint Jules, directeur d'une école primaire, dont la maison a été entièrement détruite. Au lendemain du séisme, un voisin lui a prêté un pantalon et il a passé les dix nuits suivantes à dormir dans la remorque d'un petit camion avec sa femme, ses deux enfants, jeunes adultes, et quatre autres sinistrés.
Traumatisme mental
L'homme de 60 ans qui survit désormais sous un petit abri en tôles n'arrive pas à se projeter sur l'année scolaire à venir. "Je suis mentalement malade" témoigne Brénus Saint Jules. "Je passe mon temps à réfléchir à ce que je vais faire pour récupérer" ajoute-t-il. S'il est soulagé que l'école qu'il dirige depuis 12 ans ne soit que partiellement endommagée, Brénus Saint Jules, qui enseigne depuis plus de trois décennies, est désemparé. "Je suis devenu pauvre comme les gens qui ne travaillent pas", explique-t-il sobrement.
"C’est vraiment difficile au point de vue humain mais au point de vue matériel, si le bâtiment est réparé, si l’État intervient pour aider les parents, pour aider les professeurs, on pourra reprendre le 4 octobre", conclut le directeur qui veut soutenir ses 400 élèves dont une large majorité survit aujourd'hui, comme lui, à la rue.
AFP/VNA/CVN