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Le Premier ministre italien Giuseppe Conte s'apprête à parler à la presse après l'accord trouvé entre Européens, le 29 juin à Bruxelles sur les migrations |
Photo: AFP/VNA/CVN |
"L'Italie n'est plus seule", s'est réjoui le chef du gouvernement populiste italien Giuseppe Conte qui avait fait monter la pression sur ses partenaires européens en bloquant l'adoption de premières conclusions du sommet, avant même que ne commencent les débats sur les migrations. "C'est la coopération européenne qui l'a emporté", s'est félicité le président français Emmanuel Macron devant la presse, jugeant que "la solidarité que nous devons aux pays de première entrée a été actée".
Le compromis, conclu à 04h30 du matin (02h30 GMT) après neuf heures de discussions, propose une "nouvelle approche" avec la création de "plateformes de débarquements" de migrants en dehors de l'UE pour dissuader les traversées de la Méditerranée. Pour les migrants secourus dans les eaux européennes, des "centres contrôlés" sont proposés, que les États membres mettraient en place "sur une base volontaire", et d'où une distinction serait faite "rapidement" entre migrants irréguliers à expulser et demandeurs d'asile légitimes, qui pourraient être répartis dans l'UE, là aussi "sur une base volontaire". L'accord appelle aussi les États membres à "prendre toutes les mesures" internes nécessaires pour éviter les déplacements de migrants entre pays de l'UE, ces "mouvements secondaires" convergeant souvent vers l'Allemagne, où ils sont au coeur du débat politique qui fragilise Angela Merkel.
Merkel "optimiste"
"Je suis optimiste après aujourd'hui sur le fait que nous pouvons maintenant continuer à travailler, même s'il nous reste beaucoup à faire pour rapprocher les différents points de vue", a estimé la chancelière allemande. De longues tractations ont été nécessaires pour parvenir à ce compromis, qui reste encore flou sur de nombreux points. Les discussions ont notamment pu avancer sur la base de propositions préparées par M. Conte avec le président français Emmanuel Macron, selon des sources diplomatiques. Une source gouvernementale italienne a même salué la "contribution importante" de M. Macron, qui avait eu de vifs échanges avec le gouvernement italien ces dernières semaines.
Les tensions au Conseil européen à Bruxelles ont ponctué deux semaines de bras de fer diplomatiques autour de navires transportant des migrants secourus en Méditerranée, auxquels Rome a refusé l'accostage. Le sommet a également eu lieu sur fond de fragilité inédite de la chancelière allemande Angela Merkel, dont l'autorité est défiée sur la question migratoire par ses alliés de la CSU, l'aile droite de sa coalition, qui la trouve trop laxiste en la matière.
Les propositions franco-italiennes qui ont alimenté les débats portaient notamment sur la création de "centres contrôlés" dans des pays européens, où seraient débarqués les migrants arrivant dans les eaux européennes. Les migrants éligibles à l'asile pourraient être répartis depuis ces lieux dans d'autres pays européens, eux-aussi volontaires, répondant ainsi au souhait italien d'une "responsabilité partagée" pour tous les migrants arrivant en Europe.
Angela Merkel parle à la presse après l'accord trouvé à Bruxelles sur les migrations, le 29 juin. |
Angela Merkel parle à la presse après l'accord trouvé à Bruxelles sur les migrations, le 29 juin. Photo: AFP/VNA/CVN |
"Ce qui est arrivé avec l'Aquarius est intéressant", a fait valoir une source gouvernementale italienne en référence au navire avec 630 migrants à son bord, à qui l'Italie et Malte avaient refusé l'accostage début juin. "À son arrivée en Espagne, il y a eu un partage entre pays européens" de l'accueil des passagers, a observé cette source. Quant au Lifeline, un autre bateau humanitaire que Rome refusait d'accueillir, il a lui pu accoster mercredi 27 juin à Malte après des jours d'incertitude.
Des centres hors de l'UE
Pour réduire au maximum le nombre de bateaux arrivant dans les eaux européennes, les 28 ont accepté de se pencher sur la création de "plateformes de débarquement" hors de l'UE pour les migrants secourus en mer, qui "mettrait fin au modèle économique des passeurs". Débarquer les migrants hors de l'UE épargnerait aux Européens de se quereller pour la prise en charge de navires. Mais les contours du projet restent encore très flous, et il suscite de nombreuses questions sur sa compatibilité avec le droit international.
Le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, a déjà fait savoir jeudi que son pays rejetait l'idée de tels centres d'accueil hors de l'UE. Le président albanais s'y est également fermement opposé. Les dirigeants des pays de l'UE ont par ailleurs appelé à "trouver un consensus sur le Règlement de Dublin", dont la réforme est enlisée depuis deux ans. Mais ils n'ont pas fixé de calendrier, alors que ce sommet avait été fixé il y a quelques mois comme une date limite.
Cette législation européenne confie aux pays de première entrée dans l'UE la responsabilité principale du traitement des demandes d'asile, faisant peser une charge disporportionnée sur certains pays. La Commission propose de déroger à ce principe en période de crise, avec une répartition des demandeurs d'asile depuis leur lieu d'arrivée. Mais des pays comme la Hongrie et la Pologne, soutenus par l'Autriche, s'y opposent frontalement. L'Italie demande de son côté un système permanent de répartition, et l'abandon pur et simple du principe de la responsabilité du pays d'arrivée.
AFP/VNA/CVN