>>Syrie : le chef d'un groupe jihadiste dans un "état critique" après une frappe russe
>>Syrie : deux gouverneurs en "exil" attendent la chute des jihadistes
>>Syrie : au moins 37 morts dans des raids contre l'ex-branche d'Al-Qaïda
Photo : AFP/VNA/CVN |
Le groupe Fateh al-Cham, connu par le passé sous le nom de Front al-Nosra, contrôle toujours l'immense majorité de la province d'Idleb, la seule dans le Nord-Ouest syrien à échapper au régime de Bachar al-Assad.
Autrefois connue comme étant la branche syrienne d'Al-Qaïda, cette organisation domine la coalition Tahrir al-Cham, classée "terroriste" par les États-Unis et plusieurs pays occidentaux qui réunissait depuis début 2017 plusieurs groupes armés islamistes et jihadistes.
"Les gens adoraient autrefois Al-Nosra, mais aujourd'hui ils attendent l'arrivée de l'armée turque pour en finir", lâche un militant d'Idleb, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé samedi 7 octobre que des rebelles syriens soutenus par Ankara allaient mener une nouvelle offensive à Idleb. L'objectif : déloger Tahrir al-Cham de cette province frontalière de la Turquie, a confirmé un commandant rebelle syrien qui participe à l'opération.
La province d'Idleb représente l'une des quatre zones de désescalade dévoilées en mai par les parrains internationaux des belligérants, pour instaurer des trêves durables dans plusieurs régions de Syrie.
Ces cessez-le-feu, négociés par la Russie et l'Iran -alliés du régime- et la Turquie -soutien des rebelles- excluent les groupes jihadistes, notamment Tahrir al-Cham.
Une vue de la place centrale d'Idleb en Syrie. Photo : Reuters/VNA/CVN |
Isoler le groupe
L'offensive turque intervient alors que Tahrir al-Cham, qui compte quelque 10.000 combattants selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), se trouve déjà en posture délicate.
La Russie a annoncé mercredi 4 octobre avoir grièvement blessé son chef Mohammad al-Jolani, ce que le groupe a nié.
Et, ces derniers mois, les défections au sein de cette coalition de groupesislamistes et jihadistes armés se sont multipliées, Al-Nosra étant notamment accusé de s'être accaparé le pouvoir.
"L'union des groupes rebelles sous le nom de Tahrir al-Cham n'était qu'une façade. La direction et la prise de décision restaient aux mains d'Al-Nosra", estime Ahmad Abazeid, du Centre Toran, basé en Turquie.
"Une intervention de la Turquie était envisagée depuis longtemps", poursuit l'expert, qui précise qu'Ankara souhaitait encourager les défections "pour isoler le groupe rattaché à Jolani".
Tout a commencé en juillet quand Tahrir al-Cham a attaqué les positions de l'organisation salafiste Ahrar al-Cham, un de ses alliés les plus puissants qui est sorti laminé de l'affrontement. Cette attaque a poussé plusieurs factions islamistes à abandonner la coalition, à l'instar du groupe Nourredine al-Zinki, qui compte des milliers de combattants.
Puis, fin septembre, ce fut au tour de Jaïch al-Ahrar, considérée comme la force "d'élite" de la coalition, de partir.
"Difficile de ne pas lier ces défections à "l'approche d'une intervention Turque à Idleb", estime Sam Heller, du centre de réflexion Century Foundation. "Être lié de quelque manière que ce soit à des groupes comme Tahrir al-Cham est un choix de plus en plus risqué", confirme Charles Lister, expert de la Syrie au Middle East Institute.
Le conflit syrien est entré dans "une nouvelle phase", explique-t-il, les jihadistes étant désormais perçus par les rebelles comme un allié toxique.
Jusqu'à la mort
Grâce à l'appui militaire fourni par l'allié russe, les forces du régime sont de nouveau sur l'offensive, et les rebelles n'ont eu d'autre choix que d'accepter des négociations et la mise en place de zones de désescalade.
Depuis plusieurs semaines, Idleb est la cible de raids aériens du régime et de Moscou qui ont tué des dizaines de civils.
Avec l'annonce d'une offensive turque, la bataille s'annonce rude. "Tahrir al-Cham et son commandement ont clairement indiqué qu'ils allaient lutter jusqu'à la mort contre toute intervention extérieure", rappelle M. Lister.
Avec les difficultés croissantes auxquelles les jihadistes sont confrontés, "des divisions internes" sont apparues, estime M. Abazeid.
Ces dissensions opposent "le courant représentant Al-Qaïda à une autre sensibilité qui veut établir un dialogue avec la Turquie et d'autres pays et ne plus être classé organisation terroriste", selon l'expert.
Les partisans d'Al-Qaïda veulent "affronter la Turquie et éliminer les groupes rebelles encore présents" dans la province "car ibre, Tahrir al-Cham a prévenu "les traîtres parmi les factions" qu'Idleb "ne serait pas une partie de plaisir".
AFP/VNA/CVN