>>Record d'enchères pour un bol chinois de mille ans d'âge à Hong Kong
Un bol des nouilles, faites à la main en utilisant une technique traditionnelle. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Des bols fumants sont servis 24 heures sur 24, baignant souvent dans du bouillon parfumé, garnis de boulettes de poisson, de tendons de bœuf ou de pieds de porc.
Les Hongkongais aiment aussi que leurs nouilles soient accompagnées d’œufs frits ou de spam, sorte de viande à base de porc en boîte de conserve, héritage du colonisateur britannique.
Lau Fat-cheong est l’un des derniers fabricants traditionnels de nouilles du territoire repassé en 1997 sous l’admi-nistration de la Chine. Il les sert dans ses trois restaurants des quartiers populaires de Sham Shui Po et de Cheung Sha Wan.
Selon une méthode ancestrale quasi disparue, il pétrit la pâte à l’aide d’un bâton de bambou, sur lequel il s’assoit pour faire levier.
M. Lau, la quarantaine, travaille depuis l’âge de 11 ans dans l’entreprise fondée par son grand-père dans les années 1940 à Canton, dans le Sud de la Chine. Son père a repris le flambeau et s’est installé à Hong Kong pour proposer dans la rue nouille et bouchées de crevettes.
«On fait ça depuis tant d’années, on a tissé des liens émotionnels» avec les méthodes artisanales, raconte-t-il. «On prend plaisir à faire ce travail.»
Ses clients dégustent chaque jour plus de 500 bols de nouilles aux œufs frais, pour 30 ou 40 dollars de Hong Kong (plus de 3 ou 4 euros). Les plus prisés sont ornés de wontons, bouchées au porc et à la crevette, ou servis avec des œufs de crevettes séchés, qui datent de l’époque où Hong Kong n’était qu’un village de pêcheurs.
Nostalgie du passé
Gavin Lee, étudiant de 17 ans, préfère les créations de M. Lau aux nouilles produites par les énormes chaînes hongkongaises. «C’est frais, c’est meilleur que partout ailleurs».
Malgré tout, M. Lau n’est pas optimiste pour l’avenir. À cause des loyers exorbitants, il n’est pas sûr de voir la nouvelle génération reprendre le flambeau d’un travail «difficile et répétitif».
La pression des gigantesques empires se fait aussi sentir.
Lau Fat-cheong est l’un des derniers fabricants traditionnels de nouilles de Hong Kong. |
La chaîne Tam’s Yunnan Rice Noodles, appréciée pour la variété de ses bouillons épicés que l’on peut garnir à son goût, a été vendue récemment au japonais Toridoll pour un milliard de dollars hongkongais (109 millions d’euros).
Tsui Wah est une autre méga-chaîne valant des millions de dollars qui n’était à ses débuts en 1967 qu’un petit café.
Les artisans survivent cependant grâce à la nostalgie du passé et des saveurs classiques des sept millions de Hongkongais, explique Janice Leung Hayes, journaliste gastronomique. «Ils ne se sont jamais démodés. Même si les grandes chaînes tentent de dominer, je pense que les petits ont toujours leur chance», dit-elle.
Les nouilles de Hong Kong reflètent l’histoire d’une ville de migrants venus de toute la Chine à laquelle le colonisateur britannique a aussi apporté des touches occidentales comme le fromage ou les tomates en boîte.
Goût de l’efficacité
Le concept du bol de nouilles avalé sur le pouce sied également au rythme effréné de Hong Kong, et permet aux gens de se nourrir à bon prix dans une ville où le coût de la vie est astronomique. «Les Hongkongais adorent tout ce qui est efficace», souligne Mme Leung.
Kan Kee Noodles, l’échoppe de Ho Shun-kan, est perchée dans une rue pentue de Central, au cœur de Hong Kong et nourrit son public depuis 70 ans.
Les étagères sont remplies de nouilles confectionnées selon des recettes familiales et le magasin fournit 200 restaurants de Hong Kong et Macao (Chine) ainsi que les clients au détail.
Les amateurs n’ont que l’embarras du choix des saveurs, épinard ou abalone, et les préfèrent aux nouilles qu’on trouve dans les supermarchés. «On ne trouve pas ailleurs ces saveurs traditionnelles», dit une cliente, Ami Wong. Dans les grandes marques, «on ne sent plus les œufs de crevettes».
M. Ho a hérité du magasin de son père et y travaille depuis ses 18 ans.
La «boboïsation» de certains quartiers populaires fait craindre la disparition des petites entreprises comme la sienne.
Il a dû sous-traiter à l’usine la production de certaines nouilles qui nécessitent une cuisson au four. Celui-ci pouvait être dangereux pour un complexe résidentiel de luxe devant être construit à proximité.
Mais M. Ho espère que la prochaine génération maintiendra les traditions. «On ne survivra pas sans les jeunes.»