Hanoï
À Ba Duong Nôi, le cerf-volant est toujours dans le vent

Si les cerfs-volants des quatre coins du monde rivalisent d’ingéniosité par leurs formes et leur capacité de vol, les aérodynes vietnamiens se distinguent encore par les mélodies qu’ils produisent. Découverte de leur fabrication dans le village de Ba Duong Nôi, à Hanoï.

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Lors d'un concours de cerfs-volants dans le vilalge de Ba Duong Nôi, à Hanoï.

Niché sur les berges du fleuve Rouge, le village de Ba Duong Nôi, dans le district de Dan Phuong, est réputé depuis toujours pour ses cerfs-volants. Ce métier, vieux d’un millier d’années, est transmis de génération en génération.

Ba Duong Nôi s’appelait auparavant Ke Ba. À l’évocation de son nom, on pense immédiatement aux sons tantôt graves tantôt aigus émis par les cerfs-volants dans le ciel. D’où provient ce phénomène ? Chaque aérodyne fabriqué à Ba Duong Nôi, ainsi que dans le Nord du pays, a la particularité d’être doté de flûtes accrochées à son armature. Ainsi, en volant, il crée des mélodies sous l’effet du vent. Si plusieurs cerfs-volants dansent le ballet simultanément, ils forment alors une véritable chorale.

D’après les habitants de Ba Duong Nôi, la production et la pratique du cerf-volant remontent à près d’un millier d’années. Selon la légende, la tradition est liée au général Nguyên Ca sous le règne de Dinh Tiên Hoàng (924-979). Après sa victoire contre douze seigneurs de la guerre, il retourne à Ke Ba, son village natal, pour enseigner la culture et les arts martiaux aux habitants. Pendant ses temps libres, il fait souvent voler un cerf-volant. C’est ainsi qu’un jour, alors qu’il se tient sur un rocher, une tempête survient et l’emporte dans le ciel. Les habitants, voyant le rocher et le grand homme s’éloigner et rapetisser jusqu’à disparaître dans les cieux, ne laissant derrière eux que quelques rayons de lumières éclatants, les confondent avec un cerf-volant.

Depuis, en admirant les cerfs-volants au loin, on se remémore le général Nguyên Ca. Ainsi, le 15e jour du 3e mois lunaire chaque année, un concours est organisé au village afin de lui rendre hommage ; c’est le plus ancien festival de cerfs-volants du Nord du pays.

Selon Nguyên Van Hà, président du comité d’organisation, non seulement les cerfs-volistes locaux, mais encore des équipes venues des provinces de Nam Dinh, Thai Binh et Phu Tho (Nord), se réunissent à cette occasion. Le cerf-volant permet d’exprimer sa reconnaissance envers les ancêtres, d’assouvir le désir de l’Homme de conquête du ciel et faire le vœu d’une météo clémente.

D’après Nguyên Huu Kiêm, responsable du Club cerf-voliste de Ba Duong Nôi, les habitants se familiarisent avec ces aérodynes dès leur plus jeune âge, à travers des chansons entendues dans le berceau, chantées par leurs mères et grands-mères, et apprennent à le pratiquer lorsqu’ils sont enfants.

À la différence des cerfs-volants fabriqués à Hôi An dans la province de Quang Nam, ou à Huê dans celle de Thua Thiên-Huê qui sont plus colorés, ceux du village de Ba Duong Nôi sont marqués par la simplicité.

Minutie et complexité

Cerfs-volants fabriqués dans le village de Ba Duong Nôi.

Pour faire un cerf-volant de bonne qualité, il faut que l’artisan fasse preuve de minutie, de délicatesse et respecte de nombreuses étapes. "Assister à la fabrication d’un cerf-volant à Ba Duong Nôi, c’est prendre le risque de tomber sous le charme de cet artisanat unique, surtout pour ceux qui affectionnent particulièrement la culture populaire", assure Nguyên Huu Kiêm.

L’armature du cerf-volant est fabriquée à partir de bambou planté sur les plaines. N’importe quel bambou ne fait pas l’affaire, il faut sélectionner ceux dont la partie centrale est bien épaisse. Ils font ainsi des armatures solides dotées d’une élasticité parfaite. Après le séchage au soleil pendant trois mois, on les coupe selon la longueur voulue. L’étape suivante consiste à tailler les deux extrémités à l’aide d’un couteau tranchant.

"Les cerfs-volants fabriqués à Ba Duong Nôi ainsi qu’au Vietnam sont majoritairement en forme de croissant de lune. Cette dernière revêt en effet une signification profonde pour la plupart des Vietnamiens qui vivent de l’agriculture et dont la vie quotidienne est régie par ses phases", explique M. Kiêm.

Auparavant, le papier rhamnoneuron, littéralement papier en vietnamien, était un matériau indispensable à sa confection. Il était plongé dans une substance spéciale, un mélange d’eau et de fruits d’une plante locale du district de My Duc à Hanoï. Cette mixture permettait au cerf-volant d’être imperméable et de voler plus haut. Aujourd’hui, le papier dó a été remplacé par du tissu.

À présent, des ficelles en polyester permettent de manier les cerfs-volants. Mais autrefois, ce qu’on appelle "les lignes" étaient tissées à partir de jeunes pousses de bambou dont la tige était tachetée de blanc. Après avoir retiré l’écorce du bambou, celle-ci est séparée en fils de 2 m de longueur qui sont bouillis à feu doux pendant six à huit heures avant d’être tissés pour en faire une longue corde.

Les flûtes, quant à elles, sont en bambou plus vieux, capable de résister à la pluie et au soleil. Les deux extrémités sont bouchées par des morceaux de bois qui permettent d’assurer l’exactitude des notes émises. Un cerf-volant compte entre trois et cinq flûtes qui sont fixées à l’armature en fonction de leur taille. Leur qualité dépend de l’habileté et de l’expérience des fabricants qui peuvent créer des ensembles aux sons des plus originaux.


Texte et photos : Mai Quynh - Thoi Dai/CVN

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