Un salon de coiffure «sans parole» à Hanoï

Au salon de coiffure Thành Nguyên, tous les coiffeurs sont sourds et muets de naissance. Dans un espace d’environ 20 m², ils sont une dizaine à travailler dans le silence, mais toujours avec le sourire ! Ici, écriture, image et langage des signes remplacent la parole.

>>Un handicap qui ne fait plus barrage à la scolarité

>>Succès du projet d’éducation des enfants atteints de surdité

Nguyên Thái Thành dans son salon de coiffure "Thành Nguyên".

Nguyên Thái Thành est originaire de la province septentrionale de Bac Giang. N’ayant pas l’usage de la parole, son visage respire néanmoins la joie. Et il y a de quoi ! Ce coiffeur, né en 1991, a été élu parmi les dix jeunes les plus brillants du Vietnam en 2015 pour sa participation inlassable aux activités caritatives. Réputé dans le milieu, il a ouvert son propre salon de coiffure : Thành Nguyên. Mais la voie du succès a été semée d’embûches...

Un itinéraire difficile

Né dans une famille de trois enfants, Nguyên Thái Thành est sourd de naissance. À l’âge de 3 ans, ses parents se rendent comptent que sa pathologie l’empêchera aussi d’avoir l’usage de la parole. Le désarroi est alors total. Ils consultent de nombreux spécialistes à travers tout le pays en quête d’une solution miracle. En vain.

Puis, vient le temps de l’école. Là encore, ses parents se démènent pour lui trouver un établissement adapté.

L'écriture remplace la parole.

À 14 ans, Nguyên Thái Thành commence à se familiariser avec le langage des signes à l’école Nhân Chinh de Hanoï. En retard sur le plan scolaire par rapport aux élèves du même âge, il doit, le soir venu, suivre des cours de rattrapage.

Deux ans plus tard, Nguyên Thái Thành décide d’apprendre la coiffure, ébahi par le talent d’un coiffeur. Mais trouver un formateur s’avère être un véritable «chemin de croix», la faute à son handicap. Heureusement, il trouve quelqu’un rue Khâm Thiên, à Hanoï. L’aventure peut commencer.

Nguyên Thái Thành (droite) donne depuis 2015 des cours de formation professionnelle à 15 élèves atteints du même handicap que lui, le tout à titre gratuit.

Afin de prouver sa capacité, il travaille sans relâche. Ses efforts s’avèrent payants, puisqu’en 2010, il décroche le prix d’encouragement du Concours national de coiffure. Un an après, il décide d’ouvrir son propre établissement, tout en poursuivant ses études à Hô Chi Minh-Ville afin de perfectionner sa technique.

Le sens du partage

Désireux de faire profiter de son talent, il donne depuis 2015 des cours de formation professionnelle à 15 élèves atteints du même handicap que lui, le tout à titre gratuit. «Mes élèves proviennent de tout le pays et chacun a eu un sort différent. Ces cours leur ont permis de tisser des liens très forts, ils sont aujourd’hui comme des frères et sœurs. Mon salon est considéré comme une maison du cœur pleine de sourires», partage Nguyên Thái Thành.

«J’ai déjà vadrouillé un peu partout pour apprendre la profession, mais j’ai décidé de retourner travailler avec Nguyên Thái Thành car ici, je suis très heureux de vivre avec des personnes comme moi», confie Hà Nguyên Trân, un des premiers élèves de Nguyên Thái Thành, originaire de la province montagneuse de Cao Bang (Nord).

Dans le salon de coiffure Thành Nguyên, à Hanoï.

«Nguyên Thái Thành est un sacré professeur ! Grâce à ses aides généreuses, j’ai obtenu le satisfecit au concours de métiers de l’ASEAN», dévoile, ému, Nguyên Ngoc Quang, son plus jeune élève, originaire de Dông Anh, en banlieue de Hanoï.

Le salon de coiffure Thành Nguyên attire de plus en plus de monde. Outre les clients «conventionnels», il accueille également des handicapés, en particulier des sourds ou des malentendants qui viennent échanger avec cette communauté constituée de gens de même condition. «Notre objectif est de créer un environnement amical, visant à aider ces personnes à se débarrasser du complexe d’infériorité dont elles souffrent le plus souvent. Si cela peut leur donner un petit coup de pouce pour trouver plus facilement leur place dans la société, c’est parfait !», souligne Nguyên Thái Thành.

Aujourd’hui, Nguyên Thái Thành vit avec la famille de sa sœur aînée dans le salon de coiffure. Et en bon entrepreneur, il voit plus loin. En Europe précisément, où il aimerait exercer son métier et apprendre le maquillage, histoire d’étoffer un peu plus son bagage technique et de prouver une nouvelle fois qu’avec de la volonté, rien n’est insurmontable.

Texte et photos : Câm Sa/CVN

Rédactrice en chef : Nguyễn Hồng Nga

Adresse : 79, rue Ly Thuong Kiêt, Hanoï, Vietnam.

Permis de publication : 25/GP-BTTTT

Tél : (+84) 24 38 25 20 96

E-mail : courrier@vnanet.vn, courrier.cvn@gmail.com

back to top