Un îlot de tranquillité

Qui pense Vietnam, pense immédiatement baie de Ha Long. Dans toutes les agences du monde, elle étale en quadrichromie ses îlots aux formes évocatrices. Lorsque des amis viennent me rendre visite, ils me sollicitent toujours pour leur faire goûter le bonheur d’une croisière hors du temps.

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Le paysage de Cát Bà, dans la ville de Hai Phong (Nord).
Photo : Quang Quyêt/VNA/CVN

Le problème, c’est qu’il existe des millions de personnes qui éprouvent pour cette merveille du monde un amour ou une curiosité toute aussi immodérée. Il y a plus d’une vingtaine d’années, je découvrais Ha Long dans la province de Quang Ninh (Nord-Est), sa plage de sable fin, ses paillotes, ses rares jonques. Puis, quand j’ai découvert Ha Long, son front de mer bétonné, ses centaines de bateaux-hôtels, ses discothèques géantes, je me suis sauvé à Cát Bà, dans la ville voisine de Hai Phòng. Cát Bà, ses villages de pêcheurs flottants, son petit village de Viêt Hai perdu au milieu d’un cirque montagneux, sa baie sauvage. Mais, quand, il y a de cela quelques mois, j’ai retrouvé Cát Bà, ses centaines de futures résidences «pied dans l’eau», ses karaokés hurlants, sa route express pour relier Viêt Hai, j’ai décidé d’émigrer encore plus loin.

Loin de tout

Seules au monde.
Photo : CTV/CVN

Voilà pourquoi, aujourd’hui, ma moto file sur la route qui longe la mer, au nord de Ha Long.

Depuis Hanoï, je joue au chat et à la souris avec la voiture qui véhicule des amis de longue date. Ayant peu d’appétence à être enfermé dans une boîte de métal et de plastique, je préfère communier avec le pays, nez au vent et fesses sur ma selle !

Ma moto se frayant plus facilement un chemin que la voiture suiveuse, je prends rapidement le large. Le chauffeur connaît notre point de ralliement, et c’est sans aucun scrupule que je me laisse entraîner sur le pont Bai Cháy, la gigantesque œuvre d’art qui enjambe le bras de mer, entre Ha Long (ou plus exactement Bai Cháy) et Hòn Gai.

Là, à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de la mer, j’ai l’impression de traverser un tableau de Vasarely aux fils tendus. Entre ciel et terre, le temps paraît, lui aussi, suspendu, par contre, ma moto se sent des ailes. Vite, ne pas se laisser emporter par l’euphorie du moment ! Je calme le jeu d’un léger mouvement sur la manette des gaz, et je redescends de mon nuage, en arrivant à Hòn Gai.

Première ville du cordon minier qui s’étend le long de la Mer Orientale, Hòn Gai a une allure de ville de province qui découvre émerveillée qu’elle peut devenir grande. La route, noire de poussière de charbon, qui me conduit à destination, joue à saute-mouton avec la voie de chemin de fer. À ma gauche, la montagne laisse entrevoir des grandes blessures, signes d’exploitations minières. À ma droite, des usines laissent échapper de sombres panaches de fumées. C’est Germinal au Vietnam !

J’étais déjà de noir vêtu, sur une moto entièrement noire, avec un casque noir, me voici maintenant noir de peau et de poumons. Statue d’ébène, je me sépare sans regrets de la route de la houille pour obliquer sur ma droite vers la mer. La petite route qui m’accueille m’offre une perspective éblouissante sur les îlots de la baie, changeante à chaque rivage.

Encore quelques kilomètres, et après deux heures et demie de moto, j’arrive au petit port où nous attends un bateau. J’ai plus de ¾ d’heure d’avance sur mes automobilistes. À l’hôtel où je gare ma moto durant mon séjour îlien, je suis connu : avantage notoire, pour prendre une douche et retrouver figure humaine !

Mais jamais sans tout

L’île Trông Mai (Coq et Poule) à la baie de Ha Long, province de Quang Ninh (Nord).
Photo : Dinh Na/VNA/CVN

Nous sommes sur le bateau qui nous conduit sur une île encore protégée du flot touristique. Le ciel nous offre son plus beau bleu qui se marie avec élégance au vert moiré de la mer. Les îlots entre lesquels nous naviguons ressemblent comme deux gouttes d’eau à leurs frères de Cát Bà ou de Ha Long. Sans doute, quelques-uns d’entre eux méritent-ils le nom d’île par leur étendue plus vaste.

Quelques plages, sirènes de sable blanc, essaient de nous séduire, en se montrant par intermittence au fond de criques sauvages. Ici, pas de villages flottants, pas de pêcheries, mais des bateaux de pêcheurs, isolés, accolés à une plate-forme mouvante faite de bric et de broc. Au passage, notre bateau en profite pour ravitailler en eau potable l’un ou l’autre. Les îles du Chat, de la Grenouille, de la Tortue, du Buffle, se succèdent, statues minérales posées sur l’eau et caressées par les premiers rayons du crépuscule. Insensiblement, la mer passe du vert au rose, se mêlant à celui plus pâle du ciel.

Notre île apparaît enfin, silhouette de dragon endormi qui se détache sur le clair-obscur de la nuit approchante. Nous débarquons sur une planche posée de guingois entre notre esquif et un éboulis de pierres veinées de bleu. Quelques pas dans une glaise blanchâtre, quelques degrés de béton qui nous amènent sur une route où nous attend un... touk-touk. Je connaissais ces fameuses motos-camionnettes en Thaïlande, mais c’est la première fois que j’en vois au Vietnam !

Nous nous entassons dans la nacelle, face à face, comme des prisonniers dans un fourgon cellulaire, dont la conduite serait confiée à un gardien hilare, heureux de faire pétarader sa moto sur une route déserte.

Nous arrivons à l’hôtel avec les premières étoiles : un ensemble de bungalows posés à quelques mètres de la plage. «On se croirait sur l’île de Robinson Crusoé !». Mon ami ne croit pas si bien dire. La rareté du touriste a eu tendance à réduire la vigilance commerciale de l’hôtel : des panneaux solaires fatigués qui ne donnent plus d’électricité, un restaurant dont la chambre froide ne contient plus d’aliments, des draps à la propreté approximative. Qu’importe, nous sommes en vacances, partons à l’aventure !

Le touk-touk nous fait bondir par dessus les plaies et les bosses d’une route de campagne qui nous amène à un petit village, qui miracle, ne fonctionne pas aux panneaux solaires. Mon épouse, inestimable cicérone, nous déniche un petit restaurant, dont elle prend possession de la cuisine pour nous préparer un repas digne de rois ! Repus et fatigués, nous trouvons nos chambres plus sympathiques. Promenades romantiques au bord des vagues de la Mer Orientale, rêves sous les étoiles du Vietnam, la nuit s’annonce bien.

Jamais sans le petit déjeuner !
Photo : Gérard Bonnafont/CVN

Comme s’annoncera bien le lendemain, au moment où nous découvrirons avec stupeur le petit déjeuner occidental que nous aura préparé mon extraordinaire épouse, au bord de la plage. Miel, beurre, orange, fromage, pain, confiture, œufs, elle avait tout emporté dans cet immense sac que nous nous étions escrimés à transporter de voiture en bateau et de bateau en touk-touk, en jurant qu’il n’y avait que les femmes pour emporter autant de choses pour deux jours ! Comme quoi, ma grand-mère avait raison quand elle me disait de tourner sept fois la langue dans ma bouche avant de parler !

Le nom de l’île ? Si on se rencontre, j’aurais beaucoup de plaisir à vous y accompagner !!!


Gérard BONNAFONT/CVN

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