Tourisme dans les champs de mines

Localité la plus bombardée au Vietnam, Quang Tri compte encore nombre de zones truffées d’explosifs. Le «Bomb Tour» propose d’aller à la découverte de ces champs de la mort, bien encadré bien sûr.

>>Il faudra 300 ans pour déminer le territoire vietnamien
Quarante ans après la guerre, la province de Quang Tri (Centre) souffre encore énormément. Nombreuses sont les zones bombardées ou truffées de mines qui menacent encore la vie des habitants locaux. La tâche des démineurs n’est pas prête de cesser...

Un groupe des touristes à la découverte d’une zone truffée d’explosifs.
Photo : TN/CVN


Qui aurait pu penser que ces zones interdites deviendraient un jour des lieux de visites de touristes en goguette? L’initiative revient à l’organisation «Renew Quang Tri», soutenue par le Fonds d’aides populaires de la Norvège et l’organisation «Vietnam Backpackers hostels» (Ky tuc xa Tây ba lô en vietnamien). «C’est un tour des plus originaux. Les visiteurs peuvent voir de leurs propres yeux une scène de destruction d’explosifs. Mis en place il y a deux ans, ce tour a accueilli jusqu’ici 76 groupes de visiteurs, étrangers pour l’essentiel», informe Ngô Xuân Hiên, un responsable de «Renew Quang Tri».
La mort guette encore les habitants
La visite s’effectue dans l’après-midi. En cette belle journée d’août, une quinzaine de jeunes étrangers, venus de Grande-Bretagne, des États-Unis, de Norvège, des Pays Bas…, sont regroupés devant le Centre d’exposition du matériel de guerre et de lutte contre les conséquences provoquées par mines et bombes de Quang Tri. Une semaine avant, ils ont dû remplir une fiche de déclaration : nom, âge, nationalité, passeport mais aussi... groupe sanguin. «On n’est jamais trop prudent. N’oublions pas que l’on pénètre dans un lieu dangereux», explique Ngô Xuân Hiên.
L’Anglais Thomas Stone est l’instigateur de ce tour : «Les visiteurs sont pour la plupart jeunes, entre 18 et 30 ans, pour l’essentiel des étudiants en vacances. La plupart d’eux ne connaissent rien de la guerre. Quant aux armes explosives comme bombes et mines, ils ne les ont vues que sur le petit écran». Au Vietnam depuis cinq ans, Thomas a travaillé comme guide touristique au Parc national de Phong Nha - Ke Bang, dans la province de Quang Binh (Centre) et, depuis deux ans, à «Renew Quang Tri».
À la question de savoir d’où lui est venu l’idée d’organiser ce tour très spécial, l’Anglais explique, l’air méditatif : «Pour les jeunes étrangers, la guerre est quelque chose de vague. Comme ils sont curieux, ils veulent chercher à comprendre. Et le Vietnam est une destination idéale. Ici, à Quang Tri, ils peuvent se rendre compte de ses conséquences désastreuses. Car quarante ans après la fin de la guerre, la mort guette encore les habitants de Quang Tri».
Le moment le plus attendu
À bord d’un minicar, le groupe de touristes prend la direction du village de Vinh An, commune de Cam Hiêu, district de Cam Lô, où les démineurs viennent de détecter des explosifs. La destruction de celles-ci est prévue dans l’après-midi, en présence des touristes bien sûr. Le minicar s’arrête au bout d’un chemin cahoteux couvert de terre rouge, non loin du village de Vinh An.

Dans une zone déminée.


Des champs à l’abandon s’étendent à perte de vue, où œuvrent quelques démineurs. Là, les touristes sont attendus par Lê Xuân Tung, chef de l’équipe de déminage mobile 3 (EOD-3) de Renew Quang Tri. «Ce matin, l’équipe a trouvé cinq obus de mortier, tous sont de fabrication américaine. Nous allons les faire exploser. Vous avez dix minutes pour aller les voir, avant de vous retirer», informe Lê Xuân Tung, après avoir expliqué dans les grandes lignes le travail des démineurs.
Après quelques pas précautionneux sur un terrain accidenté, les touristes se retrouvent devant une fosse où reposent les cinq obus. Tous sortent l’appareil photo. Au bout de dix minutes, ils se retirent vers une place protégée, à 300 m de là. Liam O’connell, un Anglais, 21 ans, est chargé d’«ouvrir le feu». À l’ordre donné, il appuie sur un bouton. Boum. Une détonation éclate, entraînant dans l’air un mélange de fumée noire et de poussière. Après, les touristes ont le droit de ramasser des souvenirs, en l’occurrence des fragments d’obus. «Il est difficile d’exprimer mon émotion. Vraiment, c’est impressionnant», confie Liam O’connell.
Selon Thomas Stone, une partie des recettes obtenues par ce tour est destinée au Fonds d’aide aux victimes de Quang Tri. «Par ailleurs, les visiteurs sont invités à laisser une petite somme dans une boîte en faveur des victimes locales», ajoute-t-il. Et de se remémorer des touristes inoubliables. Par exemple Aidan Ryan, un médecin irlandais, qui a fait le «Bomb Tour» en mars 2014. «De retour chez lui, Aidan Ryan a informé Renew Quang Tri qu’il organiserait en août 2014 un défilé à vélo à Dublin en vue de collecter des fonds pour les victimes des mines». Ou encore Triêu Trân, un Viêt kiêu de Los Angeles, qui a récemment offert à un couple victime de l’agent orange 600 dollars pour la reconstruction de leur maison.
«La réalité a montré que l’organisation de ces visites était la façon la plus simple et la plus efficace pour les étrangers de se rendre compte des conséquences désastreuses de la guerre, ainsi que de la douleur qu’elle a provoquée et provoque encore», conclut le responsable de "Renew Quang Tri".

 Nghia Dàn/CVN


Quang Tri, province martyre

Pendant la guerre américaine au Vietnam (1954-1975), la province de Quang Tri a été la plus bombardée. Selon des données, 83% de sa superficie, soit 3.866 km², a été bombardée ou minée (taux national : 21%). Entre 1975 (fin de la guerre) et 2010, les explosifs enfouis dans le sol ont fait 7.035 victimes, dont 31% d’enfants.

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