Rencontre avec Nguyên Duong, «le porteur d'eau» de Hôi An

L'octogénaire Nguyên Duong, à Hôi An, vient d'être reconnu par le Centre des records du Vietnam «Porteur d'eau à la plus grande longévité». Encore un titre pour cette charmante cité classée au patrimoine culturel de l'Humanité.

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L'octogénaire Nguyên Duong, titulaire du titre honorable «Porteur d'eau à la plus grande longévité du Vietnam».
Photo : CTV/CVN

Dans les rues de Hôi An, ville historique de la province de Quang Nam (Centre) construite autour d’un ancien port de commerce, les gens ne se lassent pas de voir ce vieillard encore leste porter sur son épaule deux touques d'eau suspendues de part et d’autre de sa palanche en bambou. Une scène quotidienne ancrée dans le paysage de la cité depuis plus de 50 ans.

Cet homme, connu comme le loup blanc, n’est autre que Nguyên Duong, 83 ans, qui pratique depuis des décennies un «métier» sans pareil : livrer de l'eau moyennant une rétribution au service des restaurants, des hôtels et des familles de cette cité.

Reconnue «Patrimoine culturel mondial» par l'UNESCO en 1999, la ville de Hôi An est devenue une des destinations incontournables pour les touristes étrangers.

Les lieux donnent l'impression de se retrouver plongé dans les senteurs et couleurs de jadis. Les rues, les maisons, les édifices religieux et autres ouvrages architecturaux sont tous anciens et ont une anecdote à raconter. Outre cet aspect, Hôi An est fière de ses habitants. Chacun à leur manière, avec la simplicité qui les caractérise, ils contribuent à la conservation de l’âme et de l’originalité de la ville qui les a vus naître.

Sans eux, Hôi An serait bien morne.

Cinquante ans de métier

La vie de l’octogénaire Nguyên Duong est liée au puits Ba Lê, l’un des vieux puits réputés à Hôi An pour leur eau si limpide, si douce et si fraîche. «L’eau puisée ici fait partie intégrante et rehausse la saveur originale des plats traditionnels locaux, comme le cao lâu (une sorte de fondue) ou le mi Quang (une soupe de nouilles spéciale de cette localité)», affirme un autochtone. Sans oublier le thé préparé avec de l’eau de ce puits, qui lui donne un «goût impeccable», ajoute un autre.

«Ce travail quotidien de livrer de l’eau sur commande au service des restaurants, des hôtels et des familles, je le pratique depuis un demi-siècle. Depuis que mon fils aîné est venu au monde en fait, et qui a maintenant plus de 50 ans», confie dans un large sourire l’octogénaire.

Et de raconter sa vie de labeur : originaire de Hôi An, Nguyên Duong est parti chercher du travail à Saigon (Hô Chi Minh-Ville actuelle), où il s’est marié avec Nguyên Thi My (85 ans cette année).

La vie de ces deux vieux époux est liée au puits Ba Lê.

De retour à Hôi An peu de temps après, les deux jeunes époux «sans domicile fixe» ont dû tâter de tous les métiers pour gagner leur pitance : porteur de marchandises à l’embarcadère, domestique, vendeur de légumes au marché…

«En ce temps-là, voyant toutes ces personnes venir, parfois jusqu’à des kilomètres à la ronde,s’approvisionner en eau au puits Ba Lê, j'ai eu cette idée d’en amener directement à leur domicile, moyennant rétribution. Le concept en a séduit plus d’un. C’est comme cela que je suis devenu porteur d’eau +professionnel+, épaulé parfois par ma femme», raconte Nguyên Duong. Avec toutes les fontaines publiques et privées installées dans la ville, les deux époux n’ont pas le temps de chômer.

N’est-il jamais arrivé que le puits se tarisse ? À cette question, l’octogénaire réplique : «Jamais, même en période de sècheresse prolongée. Une fois par an, je cherche à puiser toute l’eau, avant de descendre au fond à l’aide d’une échelle pour le curer. Le travail fini, j’y laisse un bol de sel. Et, comme par miracle, le puits est de nouveau plein le lendemain».

Interrogé sur la rémunération, le porteur d’eau précise : «On paie par paire de touques, à raison de 5.000 à 10.000 dôngs la paire, selon la longueur du trajet. Le travail est pénible, mais nous a permis d'avoir une vie stable. Nous avons pu acheter un terrain et construire une petite maison à nous», se félicite-t-il.

Des photos sur tous les murs

La maison en question est nichée dans une ruelle de la rue Phan Chu Trinh. Une habitation toute simple, au confort spartiate, mais agrémentée d’une constellation de photos qui recouvrent tous les murs. Certaines ne le cèdent en rien à des chefs-d’œuvre. «Toutes sont des cadeaux que des photographes professionnels et amateurs, des visiteurs du monde entier nous ont offerts en signe de sympathie», révèle Nguyên Duong.

Un de ses voisins ajoute que ces dernières années, une kyrielle de touristes, appareil photo au poing, cherchent à suivre les pas de ces deux vieillards, afin d’immortaliser ces scènes. Et de citer les habitants de Hôi An : «C’est grâce à ces porteurs d’eau que le puits Ba Lê continue de vivre sa vie millénaire. C’est fantastique pour l’image de Hôi An».


Ba Lê, une source intarissable
Le puits Ba Lê a lui aussi son histoire. Cet ouvrage aurait été construit il y a mille ans par les Chams, une ethnie minoritaire vivant au Centre. Personne ne sait son nom initial, mais beaucoup affirment que le nom de Ba Lê est apparu au temps de la colonisation française, voici plus d’un siècle. Une aristocrate locale, Ba Lê, a investi 100 pièces d’Indochine pour la réfection du puits au service de la population locale. Un puits de forme carrée, d’une profondeur de 10 mètres, dont les eaux sont limpides et intarissables. Il existe tout près un petit autel dédié au culte du Génie du puits. Le 1er jour de chaque mois lunaire, les habitants s’y rendent avec des offrandes - fruits et baguettes d’encens - pour exprimer leur gratitude.

Nghia Dàn/CVN

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