Médecine nucléaire : le pari américain gagnant d'AAA

Le grand anneau souterrain de l'accélérateur de particules du CERN passe pratiquement sous ses bureaux. Tout sauf un hasard ! C'est en misant sur une technologie de la prestigieuse institution de recherche nucléaire qu'Advanced Accelerator Applications (AAA) est devenu un des chouchous de Wall Street.

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Un pharmacien en activité dans le laboratoire AAA spécialisé en médecine nucléaire, le 11 octobre, à Saint-Genis-Pouilly (Est de la France).
Photo : AFP/VNA/CVN

Le 11 novembre, l'entreprise installée à la frontière franco-suisse fêtera le premier anniversaire de sa cotation sur la bourse américaine des nouvelles technologies, le Nasdaq.

Un pas que d'autres sociétés rhône-alpines ont déjà franchi, à l'image de Flamel Technologies (pharmacie) ou EDAP (équipements médicaux). Mais aucune avec un tel succès.

Introduite sur la base d'une valorisation de 600 millions de dollars, AAA a enregistré un bond de son action de 53% pour son premier jour de cotation. En un an, cette discrète société spécialisée dans la médecine nucléaire aura vu sa capitalisation plus que doubler à 1,4 milliard de dollars. Et, alors que d'autres jeunes pousses ont tendance à flétrir après un départ prometteur, son action se négocie toujours à ses plus hauts historiques.

Préparation du conditionnement d'une dose de Gluscan, dans le laboratoire AAA, le 11 octobre à Saint-Genis-Pouilly (Est de la France).
Photo : AFP/VNA/CVN

Le choix de se faire coter outre-Atlantique était une évidence, raconte le fondateur de la société, le physicien italien Stefano Buono, qui rencontre l'AFP tout juste débarqué de New York où il vit depuis deux ans et demi.

Pour une société de ce secteur, c'est aux États-Unis qu'il faut être : "il y a dix fois plus d'investisseurs dans notre domaine qu'en Europe".

AAA compte bien ne pas en rester là, visant une capitalisation de 10 milliards de dollars dans cinq ans, alors même que son chiffre d'affaires n'a pas dépassé l'an dernier 96 millions de dollars et qu'elle ne dégage toujours aucun bénéfice.

Fabriqué de nuit

Au départ de l'aventure, une méthode développée par le CERN, où travaillait alors M. Buono, permettant de substituer aux réacteurs de recherche un accélérateur de particules - tenant dans une très grosse armoire - pour produire certains radioéléments utilisés en médecine nucléaire.

Le physicien italien Stefano Buono, fondateur du laboratoire AAA, le 11 octobre à Saint-Genis-Pouilly (France).
Photo : AFP/VNA/CVN

En 2002, AAA se lance à Saint-Genis-Pouilly, dans le pays de Gex, pour produire ce qui est aujourd'hui son produit-phare, le Gluscan, un sucre associé à un fluor radioactif, qui vient se fixer sur les tumeurs cancéreuses avides d'énergie et les fait "scintiller" lors d'un examen par tomographie par émission de positron (PET).

Le produit a une durée de vie de dix heures ce qui implique de le fabriquer pendant la nuit pour pouvoir l'injecter dans la journée. Une usine, d'un coût unitaire de l'ordre de 6 millions d'euros, peut ainsi desservir une zone s'inscrivant dans un périmètre de 3 à 4 heures de transport.

Cette caractéristique représente une formidable barrière à l'entrée pour d'éventuels concurrents, d'autant qu'un site nécessite plusieurs années pour "monter en production".

AAA compte aujourd'hui 19 usines en Europe, dont cinq en France, et y dispute le leadership au Belge Ion Beam Applications, très présent dans l'Hexagone depuis son rachat de CIS Bio au CEA.

Initialement, l'entreprise a fonctionné avec l'argent apporté par des proches et des amis, ainsi que par quelques fonds comme Seventure Partners ou la Banque populaire.

Un produit prometteur

L'entrée en Bourse a permis de lever 90 millions de dollars et une nouvelle augmentation de capital, tout fraîchement bouclée, a pu être portée à 172,5 millions de dollars (au lieu des 125 millions visés) en raison de l'accueil enthousiaste des investisseurs.

Une dose de Gluscan, un sucre associé à un fluor radioactif produit par le laboratoire AAA et présenté le 11 octobre à Saint-Genis-Pouilly, sur son site de production.

Si la demande a dépassé de sept fois l'offre, c'est que le groupe est en passe d'élargir sa palette d'activité du diagnostic au domaine thérapeutique. Avec des perspectives financières démultipliées...

En gardant un même vecteur pour harponner la tumeur, mais en changeant l'élément radioactif Gallium 68 (utilisé pour l'imagerie) pour du Lutetium 177, AAA dispose d'une arme capable de disperser des électrons à haute énergie dans un tout petit périmètre, attaquant ainsi le cancer de manière très ciblée.

Ce nouveau produit, le Lutathera, est destiné aux tumeurs neuroendocrines de l'intestin moyen, une maladie rare.

"Les premiers résultats publiés en octobre 2015 ont attiré beaucoup d'attention, car notre produit réduit la probabilité de progression du cancer de 80%", affirme M. Buono.

Vu les résultats initiaux, les autorités du médicament "nous ont donné beaucoup de facilités", en acceptant une procédure d'évaluation accélérée du traitement, dit-il.

Le Gluscan représente aujourd'hui 70% des ventes du groupe, contre zéro pour le Lutathera. Mais ce dernier représente un potentiel de "plusieurs centaines de millions de dollars".

AAA a déjà d'autres projets dans le domaine thérapeutique, avec "dans les tuyaux" un traitement du cancer de la prostate. Et là, "on sort des maladies rares pour entrer sur un marché de masse", relève l'entrepreneur.

AFP/VNA/CVN

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