Le Tây Bac cherche à preserver ses patrimoines culturels

La région Tây Bac (Nord-Ouest) héberge 30 ethnies sœurs avec chacune sa culture originale. Problème, ces traits culturels qui font leur identité se perdent peu à peu. Pour les préserver, les autorités et les locaux doivent agir.

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Dans un marché de la région Tây Bac.

Dans les années 1990, lors du premier mois de l’année lunaire, la plupart des hameaux ou villages du district de Van Chân, dans la province de Yên Bai, organisaient des fêtes du nem con (lancer de balles d’étoffe). Les villageois, vêtus de leurs plus beaux atours, se tiennent en cercle autour d’un mât en bambou au sommet duquel trône un cercle coloré. Face à face, deux équipes - l’une féminine, l’autre masculine -se lancent des balles ornées de rubans colorés qui font penser à de petits dragons volants. Et l’assistance de s’exclamer chaque fois que la balle traverse le cercle et est rattrapée de l’autre côté. Le sens du jeu, selon les croyances populaires, est une prière pour que s’unissent le yin et le yang afin de s’assurer d’une récolte abondante. Malheureusement, ces dernières années, ces fêtes se perdent de plus en plus. Le nem con n’est organisé que lors des grandes fêtes du district.

Diversité culturelle en péril

Chez les H’Mông, la musique joue un rôle important pour déclarer sa flamme et lors des mariages. Autrefois, lors des fêtes ou des marchés, les jeunes hommes et jeunes femmes jouaient souvent d’un instrument de musique autochtone dont du khèn (sorte de flûte), du dan moi (guimbarde) ou tout simplement se munissaient d’une feuille d’arbre que les lèvres faisaient vibrer afin de trouver leur moitié. Ils interprétaient aussi des chants d’amour. Aujourd’hui, ces instruments se perdent eux aussi progressivement, substitués par des amplis ou encore des téléphones portables. Le romantisme en a pris un vilain coup... Une situation que l’on rencontre chez les H’Mông, mais encore chez les Thai, Muong, Tày ou Cao Lan.

En dehors des fêtes, leurs musiques, langues et écritures - des éléments qui reflètent le plus clairement les caractères nationaux - sont aussi menacées. Selon Trân Huu Son, vice-président de l’Association vietnamiennes des lettres et des arts folkloriques, beaucoup d’ethnies ne parlent plus leur langue maternelle. Illustration avec les Bô Y, qui comptent quelque 2.000 membres dispatchés à Lào Cai et Hà Giang. Actuellement, les Bô Y de Lào Cai utilisent la langue athapascane septentrionale, tandis que ceux de Hà Giang parlent les langues des Day et Tày... Dans certaines localités, les ethnies Khang, La Ha ou encore Xinh Mun manient la langue des Thai, faute de connaître la leur.

La menace plane aussi sur les costumes, l’architecture, les us et coutumes. Chaque ethnie minoritaire vietnamienne a créé, au fil du temps, sa propres tenue porteuse de son identité. Pourtant, si leur splendeur ne souffre d’aucune contestation, les costumes traditionnels tendent à disparaître. Actuellement, seuls les ethnologues ou les personnes âgées qui connaissent bien la culture des ethnies peuvent distinguer les maisons sur pilotis des Khang, La Han, Xinh Mun ou Thai ou les traits culturels de ces mêmes groupes ethniques.

D’après Hoàng Duc Hâu, chef du Département de la culture des ethnies (ministère de la Culture, de l’Information et du Tourisme) : «Les valeurs culturelles traditionnelles de milliers de hameaux, de villages seront enfouies sous terre si aucune solution de préservation convenable n’est prise». En effet, la protection et la valorisation dépendent de beaucoup facteurs, dont les conditions socio-économiques et environnementales, historiques, l’évolution des goûts esthétiques des individus et de la communauté, etc.

Les solutions de sauvegarde

Un spectacle de khèn (sorte de flûte des H’Mông) lors d’une foire de la région montagneuse Tây Bac.

Ces dernières années, les provinces du Tây Bac se sont focalisées sur la préservation de leurs patrimoines. Plusieurs fêtes culturelles particulièrement représentatives ont été relancées comme la fête Kin Pang Then des Thai à Diên Biên, celle Nao pê châu des H’Mông noirs…

Consciences de la valeur de certains de ces héritages, les localités ont élaboré un dossier commun pour les soumettre à l’État et tenter de les faire reconnaître en tant que patrimoines immatériels nationaux. La danse xoè des Thai à Yên Bai, Diên Biên et Lai Châu et le chant then des Tày, Nùng et Thai ont même fait l’objet d’une constitution de dossiers adressés à l’UNESCO dans l’optique d’une inscription au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. En outre, plusieurs livres sur la préservation de la culture des ethnies ont également été publiés.

Il n’en demeure pas moins qu’il reste énormément à faire en termes de préservation des patrimoines. De nombreux gestionnaires ou chercheurs estiment que l’État doit adopter des politiques privilégiées en faveur des artistes et artisans pour les aider à transmettre leur savoir aux jeunes générations. D’après Trân Huu Son, la communauté a aussi un rôle crucial à jouer, pourvu que l’État consente à financer les activités en ce sens. Il faut par exemple mieux valoriser le rôle des patriarches et chefs de village.

Enfin, Lê Tuân Lôc, de l’Association de la culture et de l’art des ethnies minoritaires du Vietnam, pense que la formation des cadres et gestionnaires chargées de la préservation est indispensable. Avec des personnes compétentes à même de décider ce qui doit être fait ou non, les résultats devraient suivre.


Huong Linh/CVN

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