Le successeur du «roi de la guimbarde»

Dang Van Khai Nguyên est l’un des très rares guimbardistes vietnamiens. Formé par l’ethnomusicologue Trân Quang Hai, surnommé «le roi de la guimbarde», il cherche à préserver et valoriser cet instrument.

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Dang Van Khai Nguyên (gauche), en compagnie de son professeur de guimbarde, Trân Quang Hai.

La guimbarde (dàn môi en vietnamien) est un instrument de musique utilisant une lamelle actionnée par le doigt comme élément vibrant et la bouche du musicien comme cavité de résonance. Au Vietnam, lorsque l’on parle de dàn môi, on pense immédiatement au Pr.-Dr. Trân Quang Hai. Ce Vietnamien septuagénaire, qui vit en France, est en effet la sommité nationale en la matière.

C’est plus largement un ethnomusicologue dont le domaine de recherche est la musique vietnamienne, la musique asiatique et le chant diphonique sibérien. Dang Van Khai Nguyên, 25 ans, apprend la guimbarde à ses côtés depuis six ans et est bien décidé à reprendre le flambeau.

Des cours à distance

C’est en voyant le Pr.-Dr. Trân Quang Hai faire une démonstration à la télévision que Khai Nguyên s’est intéressé de près à cet instrument. Peu de temps après, il s’est rendu à Hô Chi Minh-Ville pour en acheter deux, avec la ferme volonté d’apprendre en autodidacte.

Six mois plus tard, il a pris contact avec Trân Quang Hai pour se perfectionner. Ce dernier lui a enseigné les techniques fondamentales, lui a fourni documents et vidéos grâce auxquels Khai Nguyên a pu franchir une nouvelle étape dans sa pratique. Le professeur habitant en France et l’élève au Vietnam, les échanges se sont faits en ligne pendant quatre ans. Désormais, Khai Nguyên peut jouer 25 sortes de guimbardes.

Une partie de la collection de guimbardes de Dang Van Khai Nguyên.
Photo : KL/CVN

En plus de lui apprendre à maîtriser le dàn môi, l’ethnomusicologue a aussi partagé avec son élève toutes sortes d’informations sur ce petit instrument de musique. Car c’est en connaissant parfaitement ce dont on joue que l’on peut en jouer le mieux possible.

Ce n’est que début 2014 que le professeur et l’élève se sont rencontrés pour la première fois. Trân Quang Hai était en effet revenu dans son pays natal afin d’organiser un colloque sur la guimbarde. Devant l’assistance, Trân Quang Hai a présenté l’instrument, pendant que Khai Nguyên en jouait pour illustrer ses propos. C’était la première fois que le jeune homme se produisait en public.

Khai Nguyên s’est pris de passion pour le dàn môi en raison de son timbre très particulier et de la manière d’en jouer bien différente de celle des autres instruments. Son professeur lui a appris que le Vietnam dénombre dix types de guimbarde, et nul autre pays dans le monde n’a une telle diversité. Le dàn môi est très populaire au sein des ethnies minoritaires H’Mông, Co Tu, H’Rê, etc.

Une collection de 600 guimbardes

Afin de partager sa passion, ainsi que d’échanger sur les techniques, Khai Nguyên a ouvert un compte Facebook. Il est en contact avec de nombreux amateurs des quatre coins du monde, surtout japonais, russes, indonésiens, qui partagent des mélodies de leur pays.

Sa passion pour la guimbarde ne se limite pas à en jouer. Il en collectionne aussi, de tous les horizons. Il en possède plus de 600, d’une trentaine de pays, dont Laos, Thaïlande, Japon, Norvège, Italie, etc. «Collectionner me permet de découvrir la diversité de cet instrument, tant au niveau du timbre que de la forme», a confié le jeune talent.

Le Pr.-Dr.Trân Quang Hai, quant à lui, est très fier de son élève. «Bien qu’il ait seulement pris des cours à distance, il peut maîtriser de nombreux types de guimbardes. Il peut aussi en fabriquer et enseigner. Je trouve que l’élève a dépassé le maître !», a-t-il partagé.

Reconnue comme la meilleure au monde, la guimbarde vietnamienne offre en effet, selon les spécialistes, le partiel acoustique le plus exact et le meilleur timbre. C’est la raison pour laquelle elle est si appréciée dans les pays européens ou en Amérique. Des dizaines de milliers de guimbardes «made in Vietnam» sont ainsi exportées chaque année. Curieusement, peu de personnes au Vietnam se passionnent pour cet instrument.

Khai Nguyên est devenu en 2012 membre de la Société internationale de guimbarde (International Jew’s Harp Society-IJHS). Le jeune musicien compte rédiger dans un proche avenir un ouvrage sur toutes les guimbardes vietnamiennes, leur histoire, leurs usages, qui viendra combler une lacune. En effet, dans le pays qui compte la plus grande diversité de guimbardes à l’échelle mondiale, les études sur le sujet demeure encore parcellaires.


Mai Quynh/CVN


Un instrument répandu dans le monde entier

La guimbarde est l’un des instruments de musique les plus anciens du monde, avec la plus ancienne trace écrite qui remonterait au IIIe siècle avant J.-C., en Chine. Elle est utilisée par les peuples turcophones, mongols, et plus généralement des langues ouralo-altaïques, notamment par les chamans. Elle est ainsi répandue en Mongolie, au Nord de la Chine, en Sibérie, au Kazakhstan, au Kirghizistan, au Nord du Japon, chez le peuple sibérien des Aïnous et en Finlande. Au Vietnam, elle est présente sous dix formes. Utilisée dans la musique populaire et folklorique, elle est dans certains pays un instrument de musique savante. Les groupes de folk métal s’en servent même pour apporter une touche originale.

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