Le Bon Samaritain des hauts plateaux du Centre

Célibataire, Dinh Minh Nhât élève 71 enfants dans sa maison, tous adoptés. Certains ont été sauvés de justesse des mains de villageois aveuglés par des coutumes d’un autre âge.

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Dinh Minh Nhât entouré de ses enfants

Les plus grands aident les plus petits à faire leurs devoirs, tandis que d’autres sèchent des vêtements dans le jardin. Des rires s’élèvent de la cuisine... Une maison presque comme les autres dans le village 1, commune d’Ia Hlôp, province de Gia Lai (hauts plateaux du Centre). Cela fait neuf ans que Dinh Minh Nhât a accueilli son premier enfant. Le quinquagénaire célibataire en a désormais 71 sous son toit ! Le plus grand est âgé de 16 ans, le plus jeune de seulement neuf mois. La grande majorité sont d’ethnie Jrai, et tous appellent leur père adoptif «Maître Nhât».

Il est sauvé in extremis

Lors d’une nuit d’hiver de l’année 2008, un nourrisson Jrai de deux jours était sur le point d’être enterré vivant aux côtés de sa mère décédée. Une tombe pour un adulte et une plus petite avaient déjà été creusées. Un chaman avait été invité à superviser les funérailles. «Il doit mourir avec sa mère !», crièrent les villageois lorsque Dinh Minh Nhât leur demanda d’épargner le bébé et de le lui confier.

Selon une coutume arriérée de l’ethnie minoritaire Jrai, si une mère décède alors qu’elle allaite son enfant, celui-ci doit être enterré, vivant, avec elle. Une pratique barbare dans laquelle aucun proche n’a son mot à dire, pas même le père. Ne pas respecter la coutume signifie défier le «Giàng» (Dieu des Jrai), avec de graves conséquences sur la communauté.

Sachant qu’il ne pouvait se battre contre des centaines de villageois, M. Nhât courut au Comité populaire de la commune aussi vite que ses jambes pouvaient le porter et demanda de l’aide. Après un long débat, les villageois permirent finalement à M. Nhât de prendre le nourrisson, en échange d’un énorme porc et de plusieurs amphores d’alcool. Pour apaiser la frustration du «Giàng», il nomma la fillette Dinh Hông Phuc, ce qui signifie «bénédiction».

Avec Phuc dans les bras, pendant des mois, Minh Nhât se rendit quotidiennement au village pour quémander du lait auprès de généreuses mères allaitantes. Phuc tomba souvent malade et fut traitée dans des hôpitaux de Huê (Centre). «Un jour, un groupe de religieuses de la ville, qui était au courant de ma situation, me demanda de leur laisser l’enfant pour en prendre soin et m’éviter les allers-retours entre Huê et mon village, raconte Minh Nhât. Phuc a maintenant 9 ans. Elle est scolarisée et a un fort accent de Huê !». Dinh Thai Bao fut le deuxième enfant que M. Nhât prit sous sa coupe. Un bébé atteint de malformation congénitale qui avait été abandonné par ses parents. Nhât l’emmena dans un hôpital de Hô Chi Minh-Ville pour une opération du colon.

Ensuite, M. Nhât a accueilli dans sa maison tous les enfants orphelins et sans-abri qu’il a pu trouver, ou que ses voisins lui ont ramenés. «Ces gamins venant d’horizons divers et ayant des histoires personnelles difficiles, la cohabitation n’a pas été toujours aisée», fait-il savoir. Avant d’ajouter : «Mais maintenant, ils s’occupent les uns des autres, partagent nourriture et collations, et même de petits secrets. Bref, ils sont comme des frères et sœurs !».

Une générosité parfois mal vue

Pham Van Nhân, propriétaire d’une pâtisserie dans la ville de Pleiku, province de Gia Lai, se rend sur place pour offrir des cadeaux.

Cette générosité désintéressée de Minh Nhât a touché Lê Sy Quy, président du Comité populaire de la commune. «Seul un cœur pur peut accomplir cela», considère l’élu local qui, pour l’aider, a sollicité le soutien de donateurs privés ou d’organisations. Des dons de vêtements, de nourriture et autres produits de première nécessité ont afflué. Pour arrondir les fins de mois, M.Nhât a été ouvrier agricole saisonnier, aide-soignant...

Parmi les généreux donateurs, citons Pham Van Nhân et sa femme, propriétaires d’une pâtisserie dans la ville de Pleiku, province de Gia Lai, qui n’ont pas hésité, après avoir lu un article dans le journal Lao Dông (Travail), à se rendre sur place pour offrir des cadeaux. D’autres personnes ont remis riz, huile, viande ou légumes. La charité de M. Nhât a vraiment touché de nombreuses personnes. «C’est un cœur d’or comme il en existe peu. Je reviendrai lui rendre visite pour le soutenir», assure Pham Van Nhân.

Aussi curieux que cela puisse paraître, la générosité du quinquagénaire a fait grincer des dents au sein de la commune. La plus virulente fut Dô Thi Loan, ex-présidente du Comité populaire, qui lui demanda de mettre un terme à ce qu’elle considérait comme un «rassemblement illégal d’enfants».

«Elle est allée dans leurs écoles et a menacé de leur interdire l’accès s’ils restaient avec moi», se souvient M.Nhât. Cela a effrayé certains des enfants qui ont «séché» des cours. Mais, plus tard, devant les objections des enseignants, l’acrimonieuse dirigeante locale a renoncé à sa croisade immorale. L’affaire est même remontée au Bureau du travail, des invalides de guerre et des affaires sociales du district, qui a pris fait et cause pour le généreux villageois.

«Le maître Nhât est gentil et dévoué. Il nous aide à étudier, à cuisiner et à nous aimer les uns les autres», partage Siu H’Pem, 15 ans. «Mon désir le plus fort est de devenir médecin afin de soigner mes frères et sœurs», ajoute-t-elle. «Mon seul espoir, confie M.Nhât, est qu’ils obtiennent une formation professionnelle afin de trouver un emploi stable».


Huong Linh/CVN

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