La modernisation du áo dài à l’égard de la division des peuples

Depuis quelques années, le áo dài commence à reconquérir la scène vestimentaire de la population vietnamienne. Toutefois, le phénomène divise les couturiers et les stylistes en deux catégories antagonistes : celui des conservateurs des áo dài traditionnels, et celui des novateurs qui cherchent toujours à les renouveler.

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Le port des "áo dài" au Festival de l'áo dài de Hanoï 2016.
Photo : Thanh Hà/VNA/CVN

Dans les années 1980 et 1990, on ne trouvait aucun áo dài dans les rues du Vietnam. L’économie des marchés a permis aux gens de se rapprocher de la mode occidentale, si bien que les costumes traditionnels étaient rapidement oubliés. Par suite, plusieurs militants et groupes d’activités ont tenté d’encourager le port du áo dài en dehors des grands événements publics, mais en vain.

Finalement, depuis moins de deux ans, le áo dài retrouve progressivement sa place, en particulier dans les grandes villes, où l’on peut contempler cette fameuse tunique, portée par les jeunes filles, les dames, et parfois les hommes. Néanmoins, les coupes et les styles ne sont plus les mêmes qu’autrefois, ce qui provoque des perpétuelles discussions et débats entre les créateurs de mode.

Tradition ou modernité : de l’esthétique
aux valeurs historiques et culturelles

Le áo dài traditionnel se caractérise surtout par ses coupes très étroites au cou, aux épaules, à la poitrine et à la taille. Il est aussi facilement distinguable grâce à ses longues manches et à ses deux pans descendants jusqu’au-dessus des chevilles, en-dessous desquels on porte habituellement un pantalon souple et fin. La soie est le textile le plus répandu pour la conception de l’habit.

Cependant, les couturiers vietnamiens modernes ont cherché à revisiter la version traditionnelle de ce costume. Les différences sont faciles à constater : le col monté remplacé par un col rond ou en V, une longueur plus courte et les manches enlevées. On utilise désormais les jeans, shorts ou robes, voire la vay dup (robe d’antan) pour remplacer le pantalon classique. La vogue de ces áo dài «modernes» est très supportée par les jeunes, particulièrement pendant les festivités du Têt. En revanche, il n’est pas du tout apprécié par les conservateurs.

«Il n’y a aucune formule spécifique pour la mode, mais la combinaison de la tunique avec la +vay dup+ et les shorts est inadmissible», s’exclame la styliste Lan Huong. De même, la styliste Xuân Thu approuve : «L’avènement des +áo dài+ ‘modernisés’ contribue à montrer la déchéance esthétique de la population. Les pans peuvent être plus courts, mais les pantalons doivent être conservés».

À l'intérieur de la fameuse boutique de l'áo dài Vinh Trach, à la rue Luong Van Can, à Hanoï.
Photo : Trong Dat/VNA/CVN

Nguyên Ngoc Phuong Dông, anthropologue aux États-Unis, a précisé que pour le port du áo dài, le pantalon était imposé durant le règne du seigneur Nguyên Phuc Khoat (1738-1765). Celui-ci n’est devenu exigé au Nord du Vietnam uniquement pendant le règne de l’empereur Minh Mang (1829-1841).

Trân Thi Nhàn, directrice de la compagnie de textile Dông Binh, parle déjà de la chute imminente du marché des áo dài moderne. Elle indique que la cause principale, est que les jeunes optent plutôt pour la nouveauté sans accorder d’importance à l’originalité.

Tradition ou modernité : de la mode à l’adaptation à la vie courante

Hormis les valeurs plus ou moins traditionnelles, les vietnamiens, hommes et femmes, jeunes et vieux, préfèrent plutôt que la modernisation des áo dài soit adaptée à leurs quotidiens. Pour Nguyên Phuong Liên, avant d’encadrer ses enfants à porter le traditionnel ou moderne, le plus important est que ceux-ci apprécient de porter ce costume. «Ma fille n’aime pas le pantalon, elle choisit donc la robe pour l’accompagner», partage-t-elle.

La célébrité Ngoc Quy précise que sauvegarder les traits culturels est important, mais il ne faut pas être trop rigide à l’égard des changements. Pour l’animatrice Phuong Thao, la pratique prévaut tout : «J’aime porter le +áo dài+ pendant les fêtes et les événements, mais aussi dans la vie quotidienne. Néanmoins, le +áo dài+ traditionnel n’est franchement pas très confortable».

Les visiteurs observent un áo dài royal depuis la dynastie de Nguyên.
Photo : Hô Câu/VNA/CVN

Par ailleurs, les historiens ont démontré que le áo dài «traditionnel» était aussi le fruit des changements des mœurs. Trân Thanh Truc, membre du groupe des militants Dai Viêt Cô Phong, raconte que le áo dài «traditionnel» avec de longs pantalons et des coupes étroites était autrefois interdit.

«Le +áo dài+ modernisé de ces dernières années n’est pas un phénomène nouveau, indique Nguyên Ngoc Phuong Dông en montrant un dessin du áo dài porté avec la robe +vay dup+, datée du XVIIIe au Musée national de l’histoire du Vietnam. Le style ‘traditionnel’ était en fait la coupe des créateurs de mode occidentaux, stylée par le modéliste Cat Tuong durant les années 1930. Je trouve que le +áo dài+ ‘modernisé’, plus court et plus souple, dégage une forte dynamique et se rapproche de la version originale de notre ancêtre», confie-t-il.

«La mode change sans cesse, dit l’animatrice Hoàng Oanh. Mais ces nouveaux aspects doivent s’ajuster aux limites de l’habit pour ne pas délaisser les traits traditionnels de notre culture. Adapter le style vestimentaire pour chaque évènement est la meilleure solution», affirme-t-elle.

Dang Duong/CVN

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