«Je ne veux qu’allumer un feu»

Malgré les menaces, la journaliste Nguyên Thu Trang continue de dédier sa vie et sa plume à la liberté d’expression. Portrait d’une battante, qui n’hésite pas à mettre sa vie en danger pour exposer des affaires.

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Malgré les intimidations et les menaces, Thu Trang garde toujours le sourire et une détermination de fer.

Début avril dernier, après la publication d’une série d’articles sur une histoire de pots-de-vin liés à des postes d’enseignants et de fonctionnaires dans le district de Soc Son dans la banlieue de Hanoi, les premières intimidations ont fait surface. Sur le ton de la menace, on suggère par téléphone à Nguyên Thu Trang «d’acheter immédiatement des cercueils pour sa famille». La journaliste savait qu’elle mettrait son existence, comme celle de ses proches en danger. Mais rien ne lui fera changer d’avis.

Pour diluer le danger, Thu Trang décide de poster l’histoire sur Facebook, et d’en informer la presse. L’affaire fait grand bruit auprès du public. La police de Hanoi a pu identifier par la suite l’auteur des menaces, et ce dernier a depuis demandé pardon. Thu Trang, touchée par les regrets, a souhaité lui venir en aide.

À chaque reportage, de nouveaux dangers

Ce n’est pas la première fois que la journaliste du quotidien et site web Phu nu thành phô Hô Chi Minh (Femmes de Hô Chi Minh-Ville) se trouve victime de chantages ou menacée de mort. Elle s’est spécialisée dans les enquêtes délicates liées aux cartels de drogue ou de corruption, des problèmes récurrents dans la société.

La journaliste Nguyên Thu Trang pourrait inspirer la future génération de journalistes.

Thu Trang n’oubliera jamais ses premières affaires. Elle a eu vent à l’époque d’un accident mortel sur un grand chantier de construction à Hanoi. Ni une, ni deux, la jeune fille s’est rendue sur place. Dès qu’elle a pris une photo, elle a été rouée de coups par des personnes non identifiées. Encore aujourd’hui, les muscles de sa main droite restent paralysés, et elle peut ni prendre, ni tirer d’objets lourds.

Après chaque reportage, rédigé après sous forme d’épisodes, la journaliste doit en plus faire face à des menaces psychologiques. Elle cite notamment l’affaire du trafic d’enfants à la pagode de Bô Dê (en banlieue de Hanoi), où on lui a promis «d’être jetée dans les dix-huit chambres de l’enfer».

Mais rien n’arrête la détermination de Thu Trang. Consciente qu’elle met sa vie en danger, elle l’accepte comme un risque inhérent au métier. Et ce, pour remplir à bien cette mission du devoir d’informer.

La pagode de Bô Dê où Thu Trang a fait la lumière sur le trafic d’enfants.
Photo : Quê Anh/CVN

Aux plus sceptiques qui se demandent pourquoi elle continue, elle leur répond immédiatement avec le sourire «Je le fais pour devenir une bonne journaliste, et surtout pour faire une bonne action. Si je m’étais arrêtée, je serais déjà morte». Pour Thu Trang, surmonter les difficultés d’un sujet relève toujours du plaisir, et compare à l’ascension victorieuse d’une montagne.

Le journalisme, un métier difficile

À l’instar du film oscarisé Spotlight, retraçant l’histoire de cinq journalistes qui ont fait la lumière sur les abus sexuels perpétrés par des prêtres mais couverts par la hiérarchie, Thu Trang réalise des enquêtes indépendantes. Et surtout, elle travaille souvent seule. Un choix dicté par le besoin du secret durant tout le reportage.

Elle revient sur l’affaire des douanes de la ville de Hai Phong, dans le Nord du Vietnam, qui l’avait particulièrement marquée. «Il y a deux choses qui m’ont rendue triste dans ce cas. La douane avait subtilisé des objets dans des conteneurs. Premièrement, personne ne me faisait confiance, alors que je souhaitais aider sans attendre rien en retour. Et deuxièmement, j’ai dû rompre une amitié avec un ami car je ne veux pas me compromettre», partage la journaliste.

Et d’ajouter : «De nombreuses fois, je me sens totalement solitaire. Le journalisme est un métier difficile. Mais comme je suis tombée amoureuse de la profession, je tente à ma manière d’apporter ma petite pierre à l’édifice, et de contribuer à la transparence et à une meilleure compréhension du monde. Je me dis souvent que si je peux allumer un feu, bien qu’il soit petit, c’est mieux que de ne rien faire».

Phuong Nga/CVN

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