Face à l’autisme infantile, la politique de l’autruche

Au Vietnam, aucune étude officielle n’a encore été publiée sur l’autisme infantile, qui augmente chaque jour. Si les écoles semblent au courant de la situation, les solutions prises - lorsqu’elles le sont - ne sont jamais uniformes.

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Une séance d’éducation avec des enfants autistes avec l’aide d’experts étrangers au centre Hy Vong, Hanoï.

L’autisme touche de plus en plus d’enfants au Vietnam. Et la progression de cette pathologie est alarmante. Nguyên Thi Ánh, institutrice à l’école élémentaire Xuân Dinh depuis 20 ans, témoigne : «En cinq ans, le nombre de petits autistes ici a énormément augmenté. Et les parents se mettent souvent en colère lorsque nous leur suggérons de prendre en charge leurs enfants autistes dans une classe +normale+ plutôt que de les placer dans un centre spécialisé».

Nguyên Hà, mère d’un petit atteint de ce trouble, n’a d’autre alternative que de faire venir - moyennant rémunération - des instituteurs à domicile pour tenter de lui faire suivre un programme d’apprentissage. «Les établissements scolaires classiques ne peuvent pas prendre en charge mon fils, faute de programme adapté. L’autre option consiste à l’emmener dans des établissements privés hors de prix. Finalement, sachant qu’il devrait être en maternelle, il vaut mieux qu’il reste à la maison», soupire-t-elle.

Une situation alarmante

D’après le pédopsychiatre Leo Kanner, auteur d’un article de référence publié en 1943 sur cette pathologie, les premiers symptômes chez l’autiste infantile sont la perturbation du fonctionnement des interactions sociales réciproques, de la communication ou du comportement. Les méthodes de détection pour l’établissement du diagnostic sont plutôt efficaces avant l’âge de 3 ans. Selon ministère du Travail, des Invalides de guerre et des Affaires sociales, le Vietnam recense environ 200.000 personnes atteintes (500.000 selon l’OMS). Comme l’autisme est une pathologie mal qualifiée, son dépistage reste très difficile, notamment à l’âge de moins de 5 ans.

Actuellement, le ministère de l’Éducation et de la Formation est en train de tester trois modèles : spécialité, intégration, et universalité. Cependant, le modèle «spécialité» n’est pas du tout concluant car il ne permet pas aux petits d’entrer en contact avec les autres. Quant au modèle «universalité», qui suit les nouvelles méthodes internationales, il est inapplicable sans un contingent d’enseignants spécialisés dans ce domaine. Au Vietnam, seuls quelques hôpitaux publics possèdent un centre psychologique pour enfants : l’Hôpital national de Pédiatrie, les Hôpitaux pédiatriques 1 et 2 à Hô Chi Minh-Ville, et certains hôpitaux régionaux.

En attendant la marche à suivre

Une séance avec des enfants autistes au centre Thiên Nhân, Tam Ky, province de Quang Nam (Centre).

Institutrice depuis cinq ans, Nguyên Thi Huong a déjà vécu deux années scolaires avec des enfants autistes dans sa classe. «Je dois rechercher par moi-même les livres à proposer aux élèves… L’intégration est très importante : les autistes peuvent apprendre les connaissances générales dans les classes +normales+. Leurs petits camarades sont un atout précieux en ce sens, les autistes étant très sensibles à leur entourage», affirme-t-elle. «Notre école a certes organisé des séances spécifiques relatives à l’autisme chez les petits, mais de manière trop sporadique. On bénéficie de formations concernant les enfants handicapés, mais pas pour les autistes».

L’ancien directeur de l’école élémentaire Binh Minh, Dinh Doàn, partage qu’au Vietnam il existe des spécialistes dans tous les domaines de l’éducation, à l’exception de l’autisme infantile, car c’est un aspect totalement nouveau. Il n’existe aucun établissement public spécialisé, et ceux privés sont disséminés à droite et à gauche, chers et souvent surchargés. En plus, ils ne sont soumis à aucun contrôle de qualité de la part des autorités.

«Chaque mois, nous recevons les rapports relatifs à 14 cas d’autisme dans notre école», dévoile Trân Thi Thanh Hai, directrice de l’école élémentaire Xuân Dinh. «Ils s’améliorent, mais nous n’avons pas d’autre alternative que de les habituer à la classe. Mais si l’on veut +éduquer+, il faut au moins disposer d’un plan de cours ou de directives précises du Bureau de l’éducation», partage-t-elle.

«Au Vietnam, les autistes et leurs familles rencontrent beaucoup de problèmes, y compris de santé, d’éducation et d’aide sociale», informe le Pr-Dr Pham Minh Muc, de l’Institut des Sciences et de l’Education. «Il apparaît donc indispensable de mener des recherches approfondies pour rédiger des plans et programmes permettant de leur donner des outils pour faciliter leur intégration dans la société», confirme-t-il.

«Les établissements n’ont pas de plan ou de méthode commune dans le traitement de l’autisme infantile, et ils ne sont jamais contrôlés par les autorités administratives. De plus, aucun bureau n’est chargé d’élaborer une feuille de route claire pour tenter de traiter cette pathologie, avec des traitements qui sont parfois ridicules et dépourvus de tout fondement scientifique», peste la Dr Nguyên Thi Thanh Mai, de l’Université de médecine de Hanoï.

«Le ministère de l’Éducation n’a proposé à ce jour aucune solution concrète concernant l’autisme infantile», déplore Nguyên Duc Huu, chef adjoint du département de l’éducation élémentaire. Et de conclure : «Nous avons chargé l’Institut des sciences et de l’éducation du Vietnam de mener des recherches. Nous espérons que des solutions seront trouvées et appliquées au plus vite !».


Des statistiques inquiétantes

Selon l’Institut des sciences et de l’éducation du Vietnam, aucune statistique n’a à ce jour été établie concernant l’autisme infantile. Mais depuis 2000, l’augmentation des cas est visible. Des documents de l’Hôpital national de pédiatrie montrent que le nombre d’enfants autistes en 2007 a été multiplié par 50 par rapport à celui en 2000.


Dang Duong/CVN

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