À Malines, les tapisseries anciennes restaurées pour affronter le temps

À la Manufacture royale De Wit à Malines (Nord de la Belgique), de prestigieuses tapisseries anciennes du monde entier sont patiemment nettoyées, restaurées et renforcées de milliers de points de couture pour leur permettre d’affronter à nouveau l’usure du temps.

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La Manufacture royale De Wit est le premier restaurateur de tapisseries anciennes au monde.

Dans un ancien refuge d’abbaye en brique rappelant le passé médiéval florissant de cette ville flamande, une quinzaine de restauratrices sont penchées, souvent pendant plus d’un an, sur une même tapisserie: avec un fil et une aiguille, elles stabilisent la trame, centimètre après centimètre, puis, là où le temps a fait le plus de dégâts, restaurent les motifs.

«Quelqu’un de nerveux, qui s’excite, n’y arriverait jamais», estime la cheffe d’atelier Veerle De Wachter. Les principales qualités de ces tisseuses et couturières au savoir-faire unique sont «la concentration», «le sens du textile» et «la minutie», explique-t-elle.

Du Louvre au Metropolitan Museum de New York, en passant par L’Hermitage de Saint-Petersbourg, les plus célèbres musées du monde ont confié à leurs mains adroites leurs plus belles tapisseries en fils de coton et de soie, rehaussées, pour les plus prestigieuses, de fils d’or et d’argent. Comme la Dame à la licorne de l’hôtel de Cluny à Paris ou des Chasses de Louis XV (manufacture des Gobelins) du Château de Compiègne (Nord de la France).

Douze ans de travail

La Manufacture De Wit est le premier restaurateur de tapisseries anciennes au monde du fait de l’ampleur et de la richesse des collections passées sur ses métiers.

Elle travaille actuellement, et depuis douze ans, sur la plus grande tenture ancienne conservée à ce jour : un ensemble de 29 tapisseries de la co-cathédrale Saint-Jean de Malte.

Ces tapisseries flamandes du XVIIe siècle, qui représentent la vie du Christ d’après des cartons de Rubens, sont acheminées par paires vers la Belgique. Une fois à Malines, elles sont dépoussiérées, nettoyées dans un immense brumisateur, séchées puis consolidées et restaurées. Un chantier d’au moins un million d’euros.

Pour survivre à la crise qui frappait l’industrie textile en Europe, la Manufacture a décidé, il y a près de 40 ans, de délaisser sa propre production et de mettre son savoir-faire artisanal au service d’un marché alors prometteur.

Un spécialiste travaille sur une ancienne tapisserie chez la Manufacture royale De Wit à Malines (Nord de la Belgique).

«À la fin des années 1970, les ateliers de tissage avaient de grandes difficultés parce que les tapisseries n’étaient plus à la mode et coûtaient trop cher. Nous avons alors réorienté la production vers la restauration et la conservation de tapisseries anciennes», explique Yvan Maes De Wit, dont l’arrière-grand-père a fondé l’entreprise au XIXe siècle.

Depuis, des centaines de tapisseries ont été restaurées à Malines.

«Nous avons innové dans différents domaines» dont «le plus connu» est celui du «nettoyage de la tapisserie ancienne avec une méthode d’aspiration et d’aérosols très efficace» et respectueuse des fibres protégées contre toute torsion, précise-t-il.

Le lavage d’une tenture est une étape très risquée : avec les années, le coton s’est souvent effiloché ; la soie, elle, a été «pulvérisée sous l’effet du temps et de la lumière» ; sans parler de l’histoire parfois mouvementée de certaines pièces.

La démarche scientifique de la Manufacture De Wit, où chaque étape est consignée et documentée avec minutie, fait référence. Chaque point de couture doit être «visible au dos» d’une tenture et «peut être défait car la réversibilité est très importante dans le processus de conservation», explique Mme De Wachter.

La Manufacture a aussi développé une expertise pour décrocher les tentures monumentales, un travail complexe étant donné les dimensions, le poids et la fragilité des tissus.

Yvan Maes De Wit se souvient avec émotion de l’«opération très dangereuse» qu’il a dû monter pour décrocher, à l’aide d’«échafaudages gigantesques», une tapisserie de 9 mètres sur 14 accrochée à 25 mètres de hauteur dans le hall d’entrée des Nations unies à New York.

Silence monacal

Dans l’atelier aux murs blancs de la Manufacture, où sont alignés d’immenses métiers à tisser, ces femmes de tous les âges revêtues de blouses blanches travaillent dans un silence monacal, tous les jours de 08h00 à 16h30.

Les conversations, rares, se meurent vite, car l’ouvrage qu’elles ont entre les mains exige une concentration sans faille.

Elles sont aussi réputées avoir l’«œil pour la couleur» : la Manufacture teint elle-même les fils de soie et de coton qu’elle utilise, en recourant à des centaines de pigments synthétiques, afin de respecter les coloris des tapisseries et en garantir la qualité.

«Dans l’industrie, nous ne trouvons pas les couleurs justes», raconte Mme De Wachter. «Nous sommes donc obligés de les teindre nous-mêmes dans notre laboratoire, avec des couleurs qui ont une haute vérité lumineuse. Nous créons ainsi des combinaisons infinies».

Ainsi, le vert -omniprésent dans le fond et les motifs végétaux- à l’origine très vif des tapisseries s’est éteint avec le temps pour devenir +caca d’oie+. De cette couleur, la Manufacture dispose d’une palette qui «varie énormément». «Il y en a avec un reflet rose, avec un reflet vert, un reflet brun ou même orange», décrit-elle.


AFP/VNA/CVN

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